CHAPITRE 2
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La jeunesse lumineuse

  • Qui cherchera à épargner sa vie la perdra, qui la perdra la conservera.
  • (Luc, 17-33)

    Voici d'autres traits de la personnalité d'Euripide Barsanulfo, afin que le lecteur le connaisse mieux.

    Euripide ne manquait jamais un rendez-vous et était très ponctuel : il arrivait toujours le premier aux réunions.

    Son comportement envers le prochain revêtait toujours la plus grande dignité. Pour Euripide, les blancs et les noirs, les pauvres et les riches, étaient égaux. Il s'adressait à tous par "monsieur" ou "madame", même à ses propres frères, soeurs et élèves.

    Cette dignité transparaissait dans sa façon de s'habiller. Il portait une redingote qui lui tombait jusqu'aux genoux, le col long et empesé, le noeud papillon, le chapeau melon, vêtements de l'époque, que ses soeurs Eridite et Maria Neomísia maintenaient toujours très propres. Il portait également un parapluie. Une autre caractéristique de son admirable personnalité est qu'il n'ouvrait jamais son parapluie si, à côté de lui, se trouvaient des amis dépourvus, afin de ne pas être dans une situation privilégiée...

    Jeune homme cultivé, poli et de bonne présentation, ses parents lui parlaient parfois de mariage et des jeunes filles de la société1... Euripide répondait alors, le sourire aux lèvres :

    - Me marier, je ne peux pas... Je suis déjà marié avec la pauvreté !

    En effet, il s'était déjà engagé auprès des pauvres de Sacramento. Avant vingt ans, il avait été co-fondateur de la confrérie de Saint Vincent de Paul (institution catholique d'aide aux pauvres), et avant dix-huit ans, il avait ouvert dans sa résidence une petite pharmacie homéopathique2 pour aider les malades qui vivaient dans des baraques misérables près de la ville...

    La création de la pharmacie homéopathique au service des pauvres et les visites fréquentes aux bidonvilles de Sacramento étaient des indices clairs qu'Euripide deviendrait bientôt médium guérisseur et que sa conversion au spiritisme serait facile. Sans le percevoir, Euripide agissait déjà comme un spirite authentique, même en étant catholique pratiquant ! Mais il était encore trop tôt pour son éveil aux réalités du monde spirituel. Les esprits guides travaillaient discrètement sa médiumnité, qui allait devenir très puissante... Parmi ces esprits se trouvait le Docteur Bezerra de Menezes, le médecin des pauvres. Les esprits semaient dans son âme, conscients que le temps était un facteur important pour la récolte généreuse... L'apôtre était alors loin de se douter combien son destin allait changer ! Une mission extraordinaire l'attendait auprès du peuple, ouvrant de nouvelles perspectives spirituelles au centre du Brésil !

    Euripide persévérait au service de la collectivité. Dans le domaine culturel, il était directeur du cercle littéraire et musical de Sacramento. Dans le domaine divin de la charité, il visitait les affligés, distribuait des médicaments, et résolvait les problèmes d'autrui, en partageant son salaire avec les nécessiteux.

    Désormais, il désirait rendre un nouveau service d'utilité publique, en faisant bénéficier la petite ville d'un hebdomadaire. Son but était d'instruire les gens par tous les moyens. A vingt-et-un ans (1901), il créa la "Gazette de Sacramento" avec le docteur Jean Gomes Vieira de Melo (promoteur public originaire de l'état de Sergipe) et le docteur Pedro Salazar Moscoso da Veiga Pessoa. Pendant deux ans, Euripide publia des articles dans cet hebdomadaire bien élaboré, abordant des sujets variés et même littéraires.

    A cette époque, ses réalisations en faveur du peuple étaient incessantes. Agé d'à peine vingt-deux ans, Euripide Barsanulfo s'associa à Teófilo Vieira, au Dr. Jean Gomes Vieira de Melo, au Dr. Pedro Salazar Moscoso da Veiga Pessoa, au professeur Inácio Martins de Melo, à José Martins Borges, à José Monteiro et au prêtre Pedro Ludovico de Santa Cruz, intellectuels de la ville, pour fonder le lycée de Sacramento. Inauguré le 31 janvier 1902, la jeunesse de Sacramento, qui était alors privée d'écoles de cours moyen et supérieur, en avait bénéficié pendant cinq ans.

    Euripide était professeur de français et de géographie, et se révéla un maître modèle grâce à la psychologie qu'il adoptait pour l'explication des sujets. Depuis lors, il ne cessa plus jamais d'enseigner car pour lui, l'enseignement de la culture aux enfants et aux jeunes était avant tout une mission évangélique.

    Ses services se multipliaient malgré son jeune âge... Inévitablement, sa renommée s'étendait dans toute la ville et même dans les faubourgs distants de Sacramento où les riches n'allaient pas et où la pauvreté côtoyait fréquemment l'infirmité, exigeant de sa part un effort toujours plus grand.

    Euripide consacrait généreusement sa vie au peuple et ainsi, il était heureux. Il était missionnaire avant même d'être spirite. Venu des Mondes Supérieurs, Euripide Barsanulfo ne se convertirait pas au spiritisme par la douleur, mais pour le divulguer dans sa pureté doctrinaire, par des exemples lumineux dignes d'admiration.

    Estimé du peuple, les politiciens de Sacramento le sollicitèrent souvent pour des alliances. Ils lui proposaient le conseil municipal... Mais Euripide refusait poliment les invitations. Les rivalités idéologiques, les intrigues, la haine qui tourmentaient les politiciens exaltés, ce climat de vibrations négatives le laisseraient inévitablement mal à l'aise. Toutefois, Monsieur Mogico suivait la vie politique de très près... Il aimait en discuter. En apprenant l'invitation, il se réjouit de la perspective de voir son fils conseiller municipal. Il insista pour qu'Euripide devienne un dirigeant politique...

    - Accepte l'invitation, mon fils. C'est honorable pour nous ! Tu peux faire carrière... et devenir maire !

    - Je ne suis pas né pour la politique, mon père... Ma pensée va dans une autre direction... Mon coeur, vous le savez bien, est tourné vers les pauvres et les malheureux. De plus, rien que de penser aux disputes politiques du Conseil Municipal, croyez-moi, je me sens mal...

    - Personne dans cette ville n'a plus de prestige populaire que toi, pas même le colonel José Afonso de Almeida, président du Conseil Municipal. Tu gagneras facilement les élections ! Fais plaisir à ton père... Déclare-toi candidat ! Je sais que tu veux faire le bien pour ton prochain, je le comprends et je l'accepte. Je ne t'ai jamais récriminé pour être constamment dans les bidonvilles à distribuer des médicaments, des vêtements et même le salaire que je te donne... Eh bien ! Tu pourras faire davantage pour le peuple de Sacramento comme conseiller municipal ! Pense à cela, mon fils.

    Monsieur Mogico avait raison. La politique, appliquée dans le sens chrétien, est un instrument de progrès collectif. Euripide, sollicité également par ses amis du Conseil Municipal Jean da Matta et Silva et José Martins, finit par accepter l'offre.

    En 1902, il devint conseiller municipal de Sacramento3.

    Euripide Barsanulfo, qui avait alors à peine vingt-deux ans, occupait quatre postes de haute responsabilité : journaliste, conseiller municipal, professeur au Lycée de Sacramento et secrétaire de la confrérie de Saint Vincent de Paul.

    Sa vie continua à ce rythme jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, en 1905, année où la divine providence avait préparé sa rencontre avec la Doctrine Spirite.


    1 Parmi les jeunes filles rêvant de se marier avec Euripide, il y avait Maria Gonçalves dos Santos, à l'époque âgée de seize ans et élève brillante (plus tard, elle était professeur du collège Allan Kardec). Une fois, pendant le cours, Euripide capta sa pensée et lui dit :
    - Mademoiselle, il ne faut pas penser au mariage... Je me désincarnerai célibataire, et vous aussi. Cessez donc ces divagations romantiques...
    Maria, surnommée "petite négresse" à cause de son nez, se résigna. La prophétie s'accomplit : l'un et l'autre se désincarnèrent célibataires.


    2 Euripide avait emprunté son premier livre sur l'homéopathie à madame Mariana de Carvalho. Ce livre le décida à ouvrir la petite pharmacie. La jeune Adevita était la première personne servie : elle avait le typhus et était déclarée inguérissable par les médecins. Plus tard, elle se maria et Euripide l'accoucha (voir chapitre 6).


    3 Son mandat dura six ans. Il lutta sans relâche pour le progrès matériel de la population : électricité, éclairage, eau, etc.