Je dédie

ce livre à mes parents, dont la tendresse et la sollicitude m'ont rendu si douces les premières années de ma vie.

GABRIEL DELANNE


LE SPIRITISME
devant la Science.


PREMIERE PARTIE
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CHAPITRE PREMIER
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AVONS-NOUS UNE AME ?

Avons-nous une âme ? Telle est la question que nous nous proposons d'étudier dans ce chapitre. Au premier abord, il semble que ce problème peut être résolu facilement, car, dès la plus haute antiquité, les recherches des philosophes ont eu pour objet l'homme, sa nature physique et intellectuelle ; on pourrait croire qu'ils sont arrivés à un résultat ? Eh bien, suivant certains savants modernes, il n'en est rien.

Les anciens, qui avaient pris pour devise la maxime célèbre : «Connais-toi toi-même», ne se connaissaient pas ; ils se figuraient que l'homme était composé de deux éléments distincts : l'âme et le corps ; ils avaient basé sur cette dualité toutes les déductions de la philosophie, et voilà qu'à notre époque, une école nouvelle prétend qu'ils se sont trompés, qu'en nous tout est matière, que l'ancienne entité qualifiée du nom d'âme n'existe pas et qu'il faut abjurer cette vieille erreur, fille de l'ignorance et de la superstition.

Avant de nous incliner passivement devant cet arrêt, nous désirons examiner si réellement les arguments fournis par les matérialistes ont toute la valeur qu'ils veulent leur attribuer. Nous essaierons de les suivre sur leur terrain, et nous tenterons de démêler ce qu'il y a de vrai et de faux dans leurs théories. Nous mettrons en regard de leurs travaux les conclusions impartiales de la science et de la spéculation modernes. De cette comparaison naîtra, nous l'espérons, la certitude qu'il existe bien en nous un principe indépendant de la matière, qui dirige le corps et que nous appelons l'âme.

A ceux qui douteraient de l'utilité pour l'homme du principe spirituel, nous répondrons : Il n'est pas de sujet plus digne d'attirer notre attention, car rien ne nous intéresse plus que de savoir qui nous sommes, où nous allons, d'où nous venons ?

Ces questions s'imposent à l'esprit à la suite des événements douloureux dont nul n'est exempt ici-bas. L'âme déçue et mutilée se replie sur elle-même, après les combats de l'existence, et se demande pourquoi l'homme est sur la terre, si sa destinée est de souffrir toujours ? Lorsque nous voyons le vice triomphant étaler sa splendeur, qui de nous n'a pensé que les sentiments de justice et d'honnêteté sont de vains mots, si, après tout, la satisfaction des sens n'est pas le but suprême auquel aspirent tous les êtres ?

Qui de nous, ayant ardemment poursuivi la réalisation d'un rêve, ne s'est senti le coeur vidé et l'âme désabusée après l'avoir atteint ? Qui de nous ne s'est dit, alors que le tourbillon de l'existence lui laissait un instant de repos : Pourquoi sommes-nous sur la terre et quel sera notre avenir ?

Le sentiment qui nous pousse à cette recherche est déterminé par la raison, qui veut impérieusement connaître le pourquoi et le comment des événements qui s'accomplissent autour de nous. C'est elle qui nous met au coeur le désir d'approfondir le mystère de notre existence. Si au milieu du fracas des villes ce besoin s'impose quelquefois à notre esprit, avec quelle force plus grande encore il nous saisit lorsque, quittant les cités populeuses, nous nous trouvons face à face avec la nature immuable, éternelle. Lorsque nous contemplons les vastes horizons d'un paysage immense, le ciel profond parsemé d'étoiles, il nous semble que nous sommes bien petits dans l'ensemble de la création. - Lorsque nous songeons que ces lieux où nous sommes ont été foulés par d'innombrables légions d'hommes qui n'ont laissé d'autres traces que la poussière de leurs ossements, nous nous demandons avec angoisse pourquoi ces hommes ont vécu, aimé et souffert ?

Quelles que soient nos occupations, quelles que puissent être nos études, nous sommes invinciblement ramenés à nous occuper de notre destination, nous sentons la nécessité de nous connaître et de savoir en vertu de quelles lois nous existons.

Sommes-nous le jouet des forces aveugles de la nature ? Notre race, apparaissant sur la terre après tant d'autres, n'est-elle qu'un anneau de cette immense chaîne des êtres qui doivent se succéder à sa surface ? ou bien, est-elle l'épanouissement de la force vitale immanente de notre globe ? La mort, enfin, doit-elle dissoudre les éléments constitutifs de notre corps pour les replonger dans le creuset universel ou conservons-nous après ce changement une individualité pour aimer et nous souvenir ?

Tous ces points d'interrogation se dressent devant nous aux heures de doute et de réflexion, ils enserrent l'esprit dans le réseau d'idées qu'ils suscitent et obligent l'homme le plus indifférent à se demander : L'âme existe-t-elle ?