CHAPITRE III
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MEDIUMNITES SENSORIELLES. - MEDIUMS VOYANTS ET MEDIUMS AUDITIFS.

La médiumnité voyante est évidemment une des plus curieuses manifestations des esprits. Il n'y a pas de meilleure preuve de la survivance de l'âme que celle qui permet à un esprit de se rendre visible. Pour arriver à ce résultat, il doit faire chez l'incarné certaines modifications périspritales qu'il faut étudier.

Distinguons d'abord les deux cas suivants :

1° Le médium voit avec ses yeux ;
2° Le médium voit à l'état de dégagement.

Il existe un moyen bien simple pour un médium de savoir s'il se trouve dans l'un ou l'autre état. Lorsqu'il voit un esprit, si en détournant son regard ou en fermant les yeux, l'apparition est toujours visible, c'est qu'il est dégagé ; si au contraire il n'aperçoit plus l'esprit, c'est qu'il le voit avec les yeux du corps. Dans le cas de dégagement de l'âme, la vision s'opère en dehors des organes des sens et n'a pas à nous occuper, car nous savons que les désincarnés voient, entendent, et d'une manière plus générale perçoivent par toutes les parties de leur périsprit. La vue par l'âme, à l'état de dégagement, rentre donc dans le cas général de la vision des esprits entre eux.

Ce qu'il importe de remarquer, c'est que l'esprit est néanmoins obligé d'agir sur le médium pour obtenir son dégagement. Qu'est-ce donc que se dégager ? C'est, pour l'âme, être moins enchaînée au corps. Nous savons déjà que, pendant son passage sur la terre, l'esprit est attaché à son enveloppe matérielle par le périsprit, qui lui-même actionne le système nerveux. Plus la vie de l'incarné est active, plus la circulation nerveuse est abondante, moins l'esprit peut se dégager ; mais si, comme nous l'avons remarqué dans la théorie du magnétisme, on peut paralyser momentanément les liens retenant l'âme au corps, il se produit un rayonnement de l'esprit incarné, qui, dans cette condition, jouit de presque toutes les facultés qu'il possède dans l'erraticité. Il peut donc voir les esprits, les décrire et donner ainsi des preuves de leur existence.

Cet état particulier se présente fréquemment pour nous pendant le sommeil. Les rêves ne sont très souvent que le souvenir que nous gardons de nos voyages dans l'espace ; alors même que l'on se souvient pas au réveil des faits dont on a été témoin pendant la nuit, il ne faut pas en conclure que l'âme ne s'est pas dégagée. Nous laisserons de côté cet aspect de la question, pour nous occuper spécialement des manifestations visuelles qui ont lieu à l'état de veille et par les organes du médium.

Tout d'abord, définissons d'une manière précise ce que nous entendons par médiumnité voyante, car il est bon de ne pas prendre pour des apparitions ces figures légères que l'on aperçoit pendant le demi-sommeil, et, au moment du réveil, il faut se tenir soigneusement en garde contre les causes d'erreur qui proviennent de l'imagination surexcitée. Qui n'a cru distinguer à certains moments des figures, des paysages dans les dessins bizarres formés par les nuages ? et pourtant notre raison nous dit qu'ils n'existaient pas en réalité. On sait aussi que dans l'obscurité les objets revêtent des apparences extraordinaires, faute de pouvoir en distinguer toutes les parties, et parce que les contours n'en sont pas nettement accusés. Que de fois, la nuit, dans une chambre, un vêtement accroché, un vague reflet lumineux, n'ont-ils pas semblé avoir une forme humaine aux yeux des personnes qui ont le plus de sang-froid ? Si la peur s'y joint ou une crédulité exagérée, l'imagination fait le reste. Ceci nous fait comprendre ce que l'on appelle l'illusion, mais ne fournit aucun renseignement sur l'hallucination.

Nous voici arrivés au grand mot employé à tout propos par les matérialistes pour expliquer la médiumnité voyante. Essayons de préciser les caractères spéciaux à l'hallucination et voyons s'ils ont quelque chose de commun avec la médiumnité.

Des Hallucinations.

Le mot hallucination vient du latin hallucinari, errer ; fait de ad lucem. L'hallucination pourrait être définie un rêve à l'état de veille ; c'est la perception d'une image illusoire, d'un son qui n'existe pas réellement, qui n'a pas de valeur objective. Comme l'objet représenté n'affecte point la rétine, le son entendu ne frappe point l'ouïe, la cause efficiente de l'hallucination existe dans l'appareil nerveux sensoriel et doit être rapportée à un travail particulier du cerveau. Ce phénomène n'existe pas seulement pour la vue et l'ouïe, les autres sens peuvent aussi être hallucinés : un contact, une odeur, une saveur perçues sans qu'il y ait eu d'action préalable d'un excitant extérieur sont de vraies hallucinations.

Ces prétendues sensations qu'éprouvent les personnes atteintes de cette maladie dépendent des images, des idées reproduites par la mémoire, amplifiées par l'imagination et personnifiées par l'habitude. Les hallucinations peuvent être produites par des causes physiques ou morales. Les premières sont très nombreuses : l'abaissement ou l'élévation de la température, l'abus des boissons alcooliques, les doses élevées de sulfate de quinine, la digitale, la belladone, la pomme épineuse, la jusquiame, l'aconit, l'opium, le camphre, les émanations azotées et surtout le haschich, l'ébranlement du cerveau par une chute, etc., etc.

Parmi les causes physiques les plus ordinaires sont : une subite impression sur les sens, ou la trop longue durée d'une vive sensation, la méditation, l'attention violemment fixée vers le même objet, l'isolement, le remords, la crainte, la terreur, etc.

La science s'est occupée de l'hallucination, et MM. Lélut et Brière de Boismont ont publié des livres intéressants, mais qui n'expliquent pas du tout le phénomène. Voici la théorie qu'ils mettent en avant.

Ils croient que toutes les idées, même les plus abstraites, tiennent toujours par quelque côté aux sens, mais que cette faculté de se représenter un objet ou un paysage n'est pas la même pour tous les hommes.

Un peintre voit une fois une personne et garde son image pendant longtemps dans sa mémoire. Un musicien entendra intérieurement des morceaux compliqués de musique, etc.

Cette représentation intérieure semble faire un pas en dehors dans l'illusion, et telle est celle qui nous fait lire les lignes et les mots d'un livre autrement qu'ils sont écrits, nous montrant ce qui n'est pas, ne nous faisant pas voir ce qui est, en l'altérant de mille manières. Cet état de l'esprit peut être déterminé par des causes diverses dont la solitude, le silence, l'obscurité, etc., en sont quelques-unes.

En somme, l'illusion transforme quelque chose de réel, tandis que l'hallucination peint sur le vide ; les choses que l'on voit n'existent pas, les sons que l'on entend n'ont aucune réalité. Quelquefois l'hallucination n'est pas reconnue, mais elle ne trouble pas la raison et n'est, pour ainsi dire, que la raison excitée. «On croit que ce fut le cas de Socrate, de Jeanne d'Arc, de Luther, de Pascal.»

«Suivant M. Lélut, ces grands génies seraient une catégorie de maniaques et les voix de Jeanne la Lorraine de pures hallucinations. Nous ne savons si cela est vrai, mais si M. Lélut pouvait être le jouet d'une folie qui le ferait tout à coup ressembler à Socrate, nous lui souhaiterions d'en être atteint, car cela l'empêcherait de nous rebattre les oreilles avec de pareilles sornettes.

Les savants n'ont donc pas, jusqu'ici, donné l'explication satisfaisante, au point de vue physiologique, de l'hallucination. Cependant ils paraissent avoir sondé toutes les profondeurs de l'optique et de la physiologie. Comment se fait-il alors qu'ils n'aient pas encore expliqué la source des images qui s'offrent à l'esprit dans certaines circonstances ? Que ce soit réel ou non, l'halluciné voit quelque chose ; dira-t-on qu'il croit voir, mais qu'il ne voit rien ? Cela n'est pas probable. On peut dire que c'est une image fantastique, soit, mais quelle est la source de cette image, comment se forme-t-elle, comment réfléchit-elle dans le cerveau ? Voilà ce que l'on ne nous dit pas. Assurément, quand l'halluciné croit voir le diable avec ses cornes et ses griffes, les flammes de l'enfer, des animaux fabuleux, le soleil et la lune qui se battent, il est évident qu'il n'y a là aucune réalité ; mais si c'est un jeu de son imagination, comment se fait-il qu'il décrive ces choses comme si elles étaient présentes ? Il y a donc devant lui un tableau, une fantasmagorie quelconque ; quelle est alors la glace sur laquelle se peint cette image ? quelle est la cause qui donne à cette image la forme, la couleur et le mouvement ?

Puisque les savants veulent tout expliquer par les propriétés de la matière, qu'ils donnent donc une théorie de l'hallucination, bonne ou mauvaise, ce sera toujours une explication, mais ils ne le peuvent, car, en niant l'âme, ils se privent de la cause efficiente du phénomène.

Les faits que nous observons journellement démontrent qu'il y a de véritables apparitions et le devoir de tout spirite éclairé est de faire une distinction entre les phénomènes qui sont dus à des manifestations des esprits, de ceux qui ont pour cause les organes malades du sujet.

En somme, l'hallucination ne présente aucun caractère de positivité, tandis qu'il faut, pour que l'on admette la médiumnité voyante, que l'individu qui est doué de cette faculté puisse décrire ses visions de manière à les faire reconnaître par les personnes présentes. Un médium qui ne verrait toujours que des inconnus, qui ne pourrait jamais donner de preuves qu'il décrit des êtres ayant vécu sur la terre, passerait avec raison aux yeux des spirites pour un halluciné.

Dans l'état normal de l'organisme humain, les impressions produites par les sens s'emmagasinent dans le cerveau, grâce à la propriété de localisation des cellules cérébrales. Ces acquis divers se classent suivant le genre d'idées auxquels ils appartiennent ; ce sont des matériaux dont l'esprit se sert lorsqu'il en sent le besoin. L'âme d'un homme bien portant a une action prépondérante et directrice qui s'exerce indistinctement sur tous les éléments soumis à son empire. Mais si, par suite d'une circonstance quelconque, l'harmonie entre l'âme et le corps devient moins parfaite, le désordre s'introduit dans l'organisation cérébrale et certaines idées, certaines formes, certaines odeurs, etc., ont une tendance à prédominer sur d'autres ; en général, ce sont les impressions qui ont agi le plus fortement sur l'individu, qui l'affectent en produisant ces phénomènes de l'hallucination, qui sont dans la plupart des cas le prologue de la folie.

Mais autre chose est un phénomène spirite, qui fait voir au médium un objet, une personne réels. L'esprit qui est là peut être minutieusement décrit, et ce n'est que lorsque cette vision est reconnue pour être la description exacte d'une personne morte, inconnue du médium, que nous admettons qu'il y ait une intervention spirituelle.

Les véritables apparitions ont un caractère qui, pour un observateur expérimenté, ne permet pas de les confondre avec un jeu de l'imagination. Comme elles peuvent avoir lieu en plein jour, on doit se défier de celles que l'on croit voir la nuit, dans la crainte d'être dupe d'une illusion d'optique. Il en est d'ailleurs des apparitions comme de tous les autres phénomènes spirites, le caractère intelligent est la preuve de leur véracité. Toute apparition qui ne donne aucun signe intelligent et qui n'est pas reconnue, peut être hardiment mise au rang des illusions. Comme on le voit, nous sommes très circonspects dans l'appréciation de ces phénomènes, et nous tenons avant tout à bien faire constater que les spirites, loin d'approuver les divagations des cerveaux malades, sont de minutieux observateurs des faits et des positivistes dans toute l'acception du terme.

Ainsi que nous l'avons fait remarquer, la médiumnité voyante peut s'exercer de deux manières : soit à l'état de dégagement, soit par les organes du corps. Afin de donner un exemple de chaque genre, nous allons rapporter les deux faits suivants empruntés à la Revue Spirite de 1861.

«Un de nos collègues (dit Allan Kardec) nous racontait dernièrement qu'un officier de ses amis, étant en Afrique, eut tout à coup devant lui le tableau d'un convoi funèbre. C'était celui d'un de ses oncles qui habitait en France et qu'il n'avait pas vu depuis longtemps. Il vit distinctement toute la cérémonie, depuis le départ de la maison mortuaire à l'église, et le transport au cimetière ; il remarqua même diverses particularités dont il ne pouvait avoir l'idée. A ce moment il était éveillé et cependant dans un certain état de prostration dont il ne sortit que lorsque tout eut disparu. Frappé de cette circonstance, il écrivit en France pour avoir des nouvelles de son oncle, et il apprit que celui-ci, étant mort subitement, avait été enterré le jour et à l'heure où l'apparition avait eu lieu et avec les particularités qu'il avait vues.»

Il est bien évident ici que c'est l'âme de cet officier qui s'est dégagée, car le fait s'étant exactement passé en France, au jour et à l'heure où l'officier le voyait en Afrique, il a fallu que son âme ait rayonné à distance pour voir ce qui se passait au loin.

Voici la seconde histoire.

«Un médecin de notre connaissance, M. Félix Malo, avait donné des soins à une jeune femme ; mais ayant jugé que l'air de Paris lui était contraire, il lui conseilla d'aller passer quelque temps dans sa famille, en province, ce qu'elle fit. Depuis six mois il n'en entendait plus parler et n'y pensait plus, lorsqu'un soir, vers dix heures, étant dans sa chambre à coucher, il entendit frapper à la porte de son cabinet de consultation. Croyant qu'on venait l'appeler pour un malade, il dit d'entrer, mais il fut fort surpris de voir devant lui la jeune femme en question, pâle, dans le costume qu'il lui avait connu, et qui lui dit avec un très grand sang-froid :

«Monsieur Malo, je viens vous dire que je suis morte.» Puis elle disparut. Le médecin s'étant assuré qu'il était bien éveillé et que personne n'était entré, fit prendre des informations, et sut que cette jeune femme était morte le soir même où elle lui était apparue.»

Dans ce cas c'est bien l'esprit de la femme qui est venu trouver le médecin. Les incrédules ne manqueront pas de dire que le docteur pouvait être préoccupé de la santé de son ancienne malade et qu'il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'il prévît sa mort ; soit, mais alors, qu'ils expliquent le fait de la coïncidence de son apparition avec le moment de sa mort, alors que depuis plusieurs mois le médecin n'en entendait plus parler. En supposant même qu'il ait cru à l'impossibilité d'une guérison, pouvait-il prévoir qu'elle mourrait tel jour, à telle heure ?

Le docteur a vu avec les yeux du corps, car l'apparition était sensible, puisqu'elle a frappé à la porte du cabinet. C'est ce cas de vision que nous allons considérer maintenant.

Vue médianimique par les yeux.

Ayant éliminé la vue de l'âme par dégagement, il nous faut étudier maintenant la vue par les organes de la vision. Lorsqu'un médium voit un esprit, on peut, a priori, se poser la question suivante : Est-ce le médium qui subit une modification ou l'esprit ? En effet, à l'état ordinaire, nous ne voyons pas les esprits, parce que nos organes sont trop grossiers pour nous faire percevoir certaines vibrations qui leur échappent. Mais quand la vision a lieu : ou nos organes ont acquis une plus grande sensibilité, ou l'esprit a fait subir à son enveloppe certaines modifications qui, en diminuant la rapidité des vibrations moléculaires périspritales, peuvent le rendre visible. Si cette dernière manière d'envisager le phénomène était exacte, l'esprit serait vu par toutes les personnes présentes, il y aurait là une apparition collective ; c'est ce qui avait lieu dans le cas des matérialisations que nous avons étudiées avec Crookes ; mais lorsque, au milieu d'une assemblée, une personne seulement voit les esprits, c'est qu'elle subit une variation organique du sens de la vue, qu'il est intéressant d'étudier.

L'oeil, comme chacun le sait, est une véritable chambre noire sur le fond de laquelle se peignent les impressions lumineuses. La rétine formée par l'épanouissement du nerf optique, transporte au cerveau les vibrations lumineuses ; là, elles sont transformées en sensations. Les physiologistes ne se sont pas contentés d'étudier la participation de la rétine à la fonction visuelle ; remontant des effets aux causes, ils ont recherché l'explication de ces faits.

Pour se rendre compte de la sensation de la couleur et de celle du clair et de l'obscur, ils ont admis des vitesses différentes dans les ondes d'un fluide (Ether) qui serait répandu dans tout l'univers. Ces ondes impressionneraient d'une manière différente la rétine, et la nature de la perception dont l'âme a conscience serait subordonnée à ces impressions variables. Dans cette théorie, on admet que les phénomènes de vision sont simplement le résultat de la perception, par le sensorium, d'un état déterminé de la rétine, et la sensation de l'obscurité est expliquée par l'absence de toute sensation, et par l'état de la rétine elle-même.

Ce qui prouve d'ailleurs l'existence d'une modification survenant dans la rétine pendant la perception des objets lumineux, c'est la possibilité de reproduire les mêmes sensations par un excitant autre que la lumière. Toute cause capable de déterminer un changement dans l'état de la membrane nerveuse de l'oeil, détermine des sensations intimes, autrement dit subjectives de la lumière. Comprimez l'oeil avec le doigt, vous apercevez des figures de formes diverses, tantôt annulaires et tantôt rayonnées.

Il arrive parfois que ces sensations subjectives se produisent spontanément : J. Muller dit avoir constaté, dans certains cas, l'apparition d'une petite tache blanche se produisant en même temps que les mouvements respiratoires ; en tournant brusquement les yeux de côté, on voit tout à coup apparaître des cercles lumineux dans le champ visuel plongé au milieu de l'obscurité.

Les sensations de lumière une fois admises comme le résultat d'un changement survenu dans la rétine, quelques physiologistes ont cru devoir se demander où cet état était perçu par l'âme. Evidemment c'est dans l'encéphale et non dans la rétine elle-même. Ce qui met hors de doute la participation de la rétine à l'acte de la vision, c'est que les animaux dont la vue est la plus perçante, sont aussi ceux qui ont la rétine la plus développée. Cette membrane n'étant que l'extrémité épanouie du nerf optique et ne présentant pas une sensibilité égale sur toute la surface, il en résulte que les fibres qui composent le nerf optique ne vibrent pas toutes à l'unisson. Les plus sensibles pourront être ébranlées par des ondes lumineuses qui laisseront les autres au repos. Ceci est la conséquence de la spécificité des organes, c'est-à-dire de la tendance que les fibres possèdent de s'accommoder à un état vibratoire déterminé.

La sensibilité d'un organe dépend du plus ou moins grand nombre de fibres qu'il contient et dont chacune est capable de prendre un mouvement vibratoire particulier, en rapport avec les causes extérieures qui peuvent influencer cet organe. Il ne faut pas oublier non plus qu'une condition est indispensable au bon fonctionnement des appareils sensoriaux, c'est que chaque organe ait une quantité déterminée de fluide nerveux à sa disposition : suivant que cette quantité augmente ou diminue, les sensations sont aiguës ou nulles. Nous avons de nombreux exemples de ce fait. Dans certains états pathologiques, l'ouïe atteint une finesse remarquable ; ce développement est dû à l'accumulation momentanée du fluide nerveux dans le nerf acoustique ; il en est de même pour tous les autres sens.

Ceci admis, voyons par l'étude de la lumière entre quelles limites de vibrations peut s'exercer, à l'état normal, le sens de la vue.

Supposons que nous fassions passer à travers un prisme un rayon de soleil ; si nous recueillons sur un écran ce rayon réfracté, nous remarquerons qu'il forme une bande lumineuse composée de sept couleurs, que l'on a appelée le spectre solaire. Les teintes extrêmes sont le rouge et le violet ; au-delà de ces deux couleurs l'oeil ne perçoit plus de sensations lumineuses. Cependant si l'on place des sels d'argent dans cette partie obscure, ils sont décomposés ; ce qui prouve qu'au-delà du violet il existe des radiations particulières que l'oeil n'est pas capable de saisir, auxquelles le thermomètre est insensible, mais dont l'activité chimique est puissante. Au-delà du rouge, il existe des ondulations calorifiques invisibles. Nous arrivons ainsi à cette conclusion nécessaire, que le spectre complet formé par les radiations solaires se prolonge au-delà du violet et au-delà du rouge, et que c'est seulement la partie moyenne du spectre total que nos yeux peuvent distinguer.

Il existe donc de la lumière que nous ne voyons pas, des vibrations lumineuses insaisissables pour l'oeil, parce que la rétine, qui est l'appareil récepteur, ne peut enregistrer ces vibrations lumineuses trop rapides pour elle. Des calculs récents ont montré que les ondulations éthérées ayant moins de quatre cents trillions par seconde, ou plus de sept cents quatre-vingt-dix, sont impuissantes à l'affecter. Il en est de même pour l'ouïe, et pour les autres sens, de sorte que l'homme est une machine animale douée d'appareils récepteurs qui ne fonctionnent qu'entre certaines limites assez faibles, si on les compare à l'infinité de la nature.

Cette idée est capitale pour la compréhension des phénomènes spirites. Nous ne percevons par la vue la matière que lorsque les vibrations de cette matière ne dépassent pas sept cents trillions par seconde ; mais, ainsi que nous l'avons vu, il y a des ondulations plus rapides qui existent réellement et qui nous échappent. Or les fluides périspritaux étant de la matière à un état de raréfaction extrême possèdent un mouvement vibratoire très rapide, de sorte qu'à l'état normal notre oeil ne peut voir les esprits. Mais si nous pouvions diminuer le nombre des vibrations périspritales, si on parvenait à les amener dans les limites que comprend la vision, nous verrions les esprits. Ce résultat peut être atteint de deux manières : 1° en diminuant le nombre des ondulations lumineuses ; 2° en augmentant la puissance visuelle de l'oeil.

Est-il possible de diminuer le mouvement vibratoire d'un rayon de lumière ? Nous n'hésitons pas à répondre oui, car des expériences remarquables faites dernièrement sont venues mettre cette vérité hors de doute.

Les rayons lumineux ultra-violets du spectre, invisibles jusqu'alors, deviennent visibles lorsqu'on les laisse tomber sur une espèce particulière de verre, contenant un silicate d'un métal appelé l'uranium. Ce verre a la propriété de rendre visibles les rayons qui, sans lui, ne frapperaient pas notre oeil. Si l'on prend un morceau de ce verre à la main, et qu'on l'éclaire successivement à l'aide de la lumière électrique, d'une bougie, d'une lampe à gaz ou qu'on le mette dans le champ d'un spectre prismatique de lumière blanche, on le voit briller suivant la couleur de la lumière qui tombe sur lui. Si on l'éclaire avec des rayons ultra-violets, on le voit s'illuminer d'une couleur mystérieuse qui révèle la présence de rayons invisibles jusqu'ici aux yeux mortels.

Examinons le cas où la puissance de l'oeil peut être augmentée ; cette opération aura encore pour but de faire voir les esprits. L'âme, avons-nous dit bien souvent, est une essence indivisible, immatérielle et intangible, qui constitue la personnalité de chaque individu ; elle est entourée de matière quintessenciée qui forme son enveloppe et par laquelle elle entre en rapport avec la nature extérieure. Ce corps fluidique, en raison de sa raréfaction, possède un mouvement moléculaire plus rapide que celui des gaz et des vapeurs qui sont déjà invisibles pour nous ; donc il n'est pas visible non plus, car l'oeil ne contient pas, à l'état normal, de fibre qui puisse vibrer harmoniquement avec lui. Mais si un esprit veut manifester sa présence, il entre en rapport fluidique avec l'incarné, ainsi que nous l'avons vu précédemment, et une fois la communication établie, il accumule par le magnétisme spirituel, dans le nerf optique, une quantité de fluide nerveux plus grande qu'à l'ordinaire, ce qui sensibilise certaines fibres qui peuvent dès lors entrer en vibrations correspondantes à celles de l'enveloppe de l'esprit. Dès que ce phénomène est produit, l'être ainsi modifié voit l'esprit et le verra tant que ce dernier continuera son action.

Petit à petit, cette opération se renouvelant un grand nombre de fois, les fibres prennent une aptitude vibratoire plus grande, les ondes lumineuses se propagent dans l'organisme suivant la ligne à laquelle Herbert Spencer a donné le nom de ligne de moindre résistance, de sorte que l'on chemine de plus en plus facilement le long de cette ligne, et qu'à la fin, cette ligne elle-même finit par prendre naturellement ce mouvement vibratoire, dès que la première molécule est en branle. Le médium a donc, en réalité, un sens nouveau, qui est dû à l'extension de l'appareil visuel.

Nous le savons, lorsque l'esprit veut se rendre visible à plusieurs personnes, il est toujours obligé de prendre du fluide nerveux à un médium, mais la modification s'opère sur lui et non plus sur les yeux des assistants. Nous avons vu qu'un simple changement dans le mouvement moléculaire d'un corps peut le faire passer de l'état transparent à l'opacité. De même une vapeur qui se condense, c'est-à-dire dont le mouvement vibratoire diminue, devient très rapidement visible sous forme de brouillard ; enfin le verre d'urane permet de voir les rayons du spectre, qui sans lui seraient invisibles. L'esprit peut donc agir d'une manière analogue. Ce phénomène nous peint très fidèlement ce qui se passe dans le cas de la photographie des esprits. Etudions ce nouveau genre de manifestations.

Photographie spirite.

Nous sommes ici en face d'un phénomène qui a suscité bien des discussions et donné lieu à un procès célèbre, en 1875. Les journaux qui se posent, en général, comme adversaires déclarés des faits spirites n'ont pas manqué de saisir cette occasion pour ridiculiser notre doctrine et ses défenseurs. En dépit des allégations de plus de 140 témoins, qui affirmaient sur l'honneur avoir reconnu des personnages morts de leur famille et dont la photographie a été obtenue, on a profité de la mauvaise foi du médium Buguet pour faire croire au public qu'il n'y avait dans ces productions d'un côté que supercherie, et de l'autre qu'une crédulité stupide.

Il est incontestable que Buguet s'est joué de la bonne foi des personnes qui avaient confiance dans son honnêteté ; les mannequins saisis chez lui le prouvent surabondamment, mais il est non moins vrai que lorsqu'il a commencé, il était véritablement médium. Quand on voit des personnes aussi sérieuses que MM. Royard, chimiste ; Tremeschini, ingénieur, madame la comtesse de Caithness, le comte de Pomar, le prince de Wittgenstein, le duc de Leuchtenberg, le comte de Bullet, le colonel Devolluet, M. O. Sullivan, ministre des Etats-Unis, M. de Turcq, consul, etc., etc., jurer qu'ils ont reconnu des esprits pour être la reproduction exacte de la physionomie de leurs parents ou amis décédés, il faudrait être aveugle pour douter de la réalité des manifestations.

Cependant les juges n'ont pas craint de condamner M. Leymarie, gérant de la société spirite, à un an de prison et 500 francs d'amende, car ils espéraient atteindre en lui le spiritisme, doctrine qui touche trop profondément le clergé pour que l'on ne sente pas son action dans la pénalité infligée à celui qui représentait le spiritisme français.

Sur ce sujet nous pensons comme M. Eugène Nus, et nous dirons avec lui : «Dans ces sortes de causes, et dans certaines autres, je me défie du tribunal presque autant que de l'accusé. S'il y a en ce monde des intrigants, des charlatans, des imposteurs, des ennemis de la propriété, de la religion, de la science et de la famille, il y a aussi sur les chaises curules, en toque rouge ou en toque noire, des hommes qui, de la meilleure foi du monde, ne rendent que des services, en croyant rendre des arrêts. Je suis convaincu qu'en France d'abord, et dans quelques autres régions du monde civilisé, la justice est en progrès sur les âges antérieurs. Je suis parfaitement certain que nos juges d'instruction mettraient à la porte, et peut-être à Mazas, le drôle assez hardi pour leur proposer de rendre, à n'importe quel prix, une ordonnance de non-lieu en faveur d'un coquin. Je ne doute pas un instant que le plus pauvre et le moins payé de nos magistrats ne repoussât avec indignation les offres d'un Artaxercès plaidant pour voler la fortune d'autrui ; mais du moment qu'entrent en jeu les préventions, les passions politiques religieuses, voire scientifiques, je crois fermement qu'il n'y a plus de juges, même à Berlin.»

Si nous avons eu à souffrir de la condamnation prononcée contre nous, c'est que l'on s'est écarté de la voie tracée par le maître Allan Kardec. Ce novateur était opposé à la rétribution des médiums et il avait pour cela de bonnes raisons. A son époque, les frères Davenport avaient beaucoup fait parler d'eux, mais comme ils gagnaient pas mal d'argent à exécuter leurs tours, Allan Kardec s'était prudemment tenu à l'écart, et bien lui en prit, car après le scandale qui obligea ces industriels à sortir de France, il put continuer à enseigner le spiritisme sans être atteint par le discrédit de ces Américains fantaisistes. Voici les règles tracées par le maître dans le livre des médiums :

Recommandations d'Allan Kardec.

«Comme tout peut devenir un sujet d'exploitation, il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'on voulût aussi exploiter les esprits ; reste à savoir comment ils prendraient la chose, si jamais une telle spéculation tentait de s'introduire. Nous dirons d'abord que rien ne prêterait plus au charlatanisme et à la jonglerie qu'un pareil métier. Si l'on voit de faux somnambules, on verrait encore bien plus de faux médiums, et cette raison seule serait un sujet fondé de défiance. LE DESINTERESSEMENT, au contraire, est la réponse le plus péremptoire que l'on puisse opposer à ceux qui ne voient dans les faits qu'une habile manoeuvre. Il n'y a pas de charlatanisme désintéressé ; quel serait donc le but des personnes qui useraient de supercherie, sans profit, à plus forte raison quand leur honorabilité notoire les met au-dessus de tout soupçon ?

«Si le gain qu'un médium retirerait de sa faculté peut être un sujet de suspicion, ce ne serait point une preuve que cette suspicion soit fondée ; il pourrait donc avoir une aptitude réelle et agir de bonne foi tout en se faisant rétribuer. Voyons si, dans ce cas, on peut en attendre un résultat satisfaisant.

«Si l'on a bien compris ce que nous avons dit des conditions requises pour servir d'interprète aux esprits, des causes nombreuses qui peuvent les éloigner, des circonstances indépendantes de leur volonté qui sont souvent un obstacle à leur venue, enfin de toutes les conditions morales qui peuvent exercer une influence sur la nature des communications, comment pourrait-on supposer qu'un esprit tant soit peu élevé fût, à chaque heure du jour, aux ordres d'un entrepreneur de séances et soumis à ces exigences pour satisfaire la curiosité du premier venu ? On sait l'aversion des esprits pour tout ce qui sent la cupidité et l'égoïsme, le peu de cas qu'ils font des choses matérielles, et l'on voudrait qu'ils aidassent à trafiquer de leur présence ! Cela répugne à la pensée et il faudrait bien peu connaître la nature du monde spirite pour qu'il en pût être ainsi. Mais comme les esprits légers sont moins scrupuleux et ne cherchent que des occasions de s'amuser à nos dépens, il en résulte que, si l'on n'est pas mystifié par un faux médium, on a toutes les chances de l'être par quelques-uns d'entre eux. Ces seules réflexions donnent la mesure du degré de confiance que l'on devrait accorder à des communications de ce genre. Du reste, à quoi serviraient aujourd'hui des médiums payés, puisque, si l'on n'a pas soi-même cette faculté, on peut la trouver dans sa famille, parmi ses amis ou ses connaissances ?

«Les médiums intéressés ne sont pas uniquement ceux qui pourraient exiger une rétribution fixe ; l'intérêt ne se traduit pas toujours par l'espoir d'un gain matériel, mais aussi par les vues ambitieuses de toute nature sur lesquelles on peut fonder des espérances personnelles ; c'est encore là un travers que savent très bien les esprits moqueurs et dont ils profitent avec une adresse, une rouerie vraiment incroyable, en berçant de trompeuses illusions ceux qui se mettent ainsi sous leur dépendance. En résumé, la médiumnité est une faculté donnée pour faire le bien, et les bons esprits s'éloignent de ceux qui prétendraient s'en faire un marchepied pour arriver à quoi que ce soit qui ne répondrait pas aux vues de la providence. L'égoïsme est la plaie de la société, les bons esprits le combattent ; on ne peut supposer qu'ils viennent le servir. Cela est si rationnel qu'il serait inutile d'insister sur ce point.

Les médiums à effets physiques ne sont pas dans la même catégorie ; ces effets sont généralement produits par des esprits inférieurs moins scrupuleux. Nous ne disons pas que ces esprits soient nécessairement mauvais pour cela : on peut être portefaix et très honnête homme ; un médium qui voudrait exploiter sa faculté pourrait donc en avoir qui l'assisteraient sans trop de répugnance, mais là encore se présente un autre inconvénient. Le médium à effets physiques, pas plus que celui à communications intelligentes, n'a reçu sa faculté pour son plaisir : elle lui a été donnée à condition d'en faire un bon usage, et, s'il en abuse, elle peut lui être retirée ou bien tourner à son détriment, car, en définitive, les esprits inférieurs sont aux ordres des esprits supérieurs.

«Les esprits inférieurs aiment bien à mystifier, mais ils n'aiment pas à être mystifiés ; s'ils se prêtent volontiers à la plaisanterie, aux choses de curiosité, parce qu'ils aiment à s'amuser, ils n'aiment pas plus que les autres à être exploités et à servir de compères pour faire aller la recette, et ils prouvent à chaque instant qu'ils ont leur volonté, qu'ils agissent quand et comme bon leur semble, ce qui fait que le médium à effets mécaniques est encore moins sûr de la régularité des manifestations que le médium écrivain. Prétendre les produire à jour et heures fixes, serait faire preuve de la plus profonde ignorance.

«Que faire alors pour gagner son argent ? Simuler les phénomènes : c'est ce qui peut arriver, non seulement à ceux qui en feraient un métier avoué, mais même à des gens simples en apparence qui trouvent ce moyen plus facile et plus commode que de travailler. Si l'esprit ne donne pas, on y supplée. L'imagination est si féconde quand il s'agit de gagner de l'argent ! L'intérêt étant un légitime motif de suspicion, il donne un droit d'examen rigoureux dont on ne saurait s'offenser sans légitimer les soupçons. Mais autant la suspicion est légitime dans ce cas, autant elle est offensante vis-à-vis des personnes honorables et désintéressées.

«La faculté médianimique, même restreinte dans la limite des manifestations physiques, n'a point été donnée pour en faire parade sur les tréteaux, et quiconque prétendrait avoir des esprits à ses ordres pour les exhiber en public peut à bon droit être suspecté de charlatanisme ou de prestidigitation plus ou moins habile. Qu'on se le tienne pour dit, toutes les fois qu'on verra des annonces de prétendues séances de spiritisme ou de spiritualisme à tant la place et qu'on se souvienne du droit qu'on achète en entrant.

«De tout ce qui précède, nous concluons que le désintéressement le plus absolu est la meilleure garantie contre le charlatanisme ; s'il n'assure pas la bonté des communications intelligentes il enlève aux mauvais esprits un puissant moyen d'action et ferme la bouche à certains détracteurs.»

 

Voilà le langage de la saine raison et de l'honnêteté, et tout spirite, digne de ce nom, doit répudier hautement ces promiscuités dangereuses qui ravaleraient notre doctrine à une exploitation cynique. Nous sommes, avant tout, d'honnêtes gens, et nous déclarons formellement n'avoir rien de commun avec les personnes, quelles qu'elles soient, qui font métier de leur faculté et qui déshonorent ainsi par leur conduite la doctrine qu'elles prétendent soutenir.

Nous ne savons rien d'aussi répugnant que les fraudes possibles qui auraient pour but de profaner ce qu'il y a de plus sacré au monde : la tombe des morts. C'est pourquoi nous flétrissons le sieur Buguet comme il le mérite et nous engageons tous les spirites à ne se laisser jamais amorcer par de belles promesses, chaque fois qu'un intérêt purement matériel est en jeu.

Revenons à notre étude et demandons-nous si la photographie des esprits est possible.

La réponse est certaine, puisque William Crookes l'a obtenue ; mais les conditions ordinaires dans lesquelles on se place ne sont plus les mêmes que celles de l'illustre chimiste.

Dans les expériences faites en compagnie de miss Cook, l'esprit est entièrement matérialisé ; il a autant de tangibilité qu'une personne vivante, et dès lors il n'y a rien d'étonnant à ce que l'on puisse faire son portrait. Dans la photographie dont nous parlons, on ne voit pas l'esprit, et cependant son image est reproduite. Ceci peut s'expliquer de la manière suivante.

Nous savons que le médium voyant possède un appareil visuel qui est rendu plus sensible au moyen de l'action fluidique exercée par l'esprit qui veut se manifester. L'oeil du médium est une chambre noire qui acquiert à ce moment une puissance considérable ; elle enregistre des vibrations qui ne peuvent être perçues par nous à l'état habituel ; de là sa propriété de voir les esprits. Eh bien, la plaque collodionée joue dans ce cas le même rôle, non pas qu'elle soit plus sensible qu'à l'ordinaire, mais l'esprit, empruntant des fluides au médium, se matérialise assez pour que son enveloppe réfléchisse les rayons ultraviolets que nous ne voyons pas, et c'est grâce à ces radiations que l'on peut obtenir l'image d'un être qui n'est pas perçu par nos yeux. Nous n'avons pas conscience des vibrations lumineuses qui sont au-delà du violet et du rouge, mais elles existent, elles impressionnent les sels d'argent et sont réfléchies par le périsprit de l'être qui veut se manifester. Nous pouvons supposer que le fluide nerveux emprunté au médium remplace le verre d'urane pour les rayons ultra-violets du spectre ; il diminue le mouvement périsprital, condense en quelque sorte les fluides, de manière à les rendre capables de réfléchir les radiations ecténiques.

Cette manière de voir est d'autant plus juste que des expériences ont été tentées par M. Thomas Slater, opticien, Estearn Road, 136, à Londres, qui montrent que la lumière ordinaire n'intervient pas dans ce phénomène. Voici ce que dit ce chercheur :

«J'ai moi-même obtenu des photographies spirites au moyen d'un instrument fait avec des verres d'un bleu très foncé, de façon qu'il est impossible d'impressionner la plaque, à moins qu'une forte lumière ne soit tenue devant la personne qui pose, prouvant ainsi que la lumière projetée par les esprits est complètement en dehors des rayons lumineux de notre spectre, et qu'ils sont beaucoup plus forts que ceux que la personne vivante qui pose peut projeter, bien que les esprits nous soient invisibles.»

A Bruxelles, un ingénieur chimiste des Arts et manufactures, M. Bayard, a obtenu lui aussi, dans son laboratoire, des photographies d'esprits ; il en donne un compte rendu détaillé dans la brochure : le Procès des spirites, pages 122, 123 et 124. Enfin, en Amérique, on réussit couramment des photographies spirituelles et le phénomène n'est plus contesté.

En dépit de tous les tribunaux, il faut reconnaître que le fait peut se produire, et pour étonnant qu'il soit, il n'a rien de surnaturel. Dès qu'il nous est démontré que les esprits existent, qu'ils ont un corps fluidique qui peut se condenser, dans certaines conditions, il devient facile de comprendre qu'il puisse être photographié, puisqu'il se matérialise jusqu'à la tangibilité, ainsi que cela résulte des expériences de Crookes. Nous sommes si loin de connaître les lois qui dirigent les opérations qui nous sont les plus familières, que l'on ne doit pas s'étonner qu'il se produise des incidents qui semblent au premier abord inexplicables. Voici un exemple de ce que nous avançons, pris dans la revue d'Allan Kardec de 1864 ; c'est un de ses amis qui parle :

«J'habitais, dit-il, une maison à Montrouge ; on était en été, le soleil dardait par la fenêtre ; sur la table se trouvait une carafe pleine d'eau, et, sous la carafe, un petit paillasson ; tout à coup, le paillasson prit feu. Si personne n'eût été là, un incendie pouvait avoir lieu sans qu'on en sût la cause. J'ai essayé cent fois de produire le même résultat, et jamais je n'ai réussi.»

La cause physique de l'inflammation est bien connue, la carafe a fait l'office d'une lentille, mais pourquoi n'a-t-on pas pu réitérer l'expérience ? C'est qu'indépendamment de la carafe et de l'eau, il y avait un concours de circonstances qui opéraient d'une manière exceptionnelle : la concentration des rayons solaires. Peut-être de l'atmosphère, des vapeurs, des qualités de l'eau, l'électricité, etc., et tout cela probablement dans certaines proportions : d'où la difficulté de tomber juste dans les mêmes conditions, et l'inutilité des tentatives pour produire un effet semblable.

Voilà donc un phénomène tout entier du domaine de la physique dont on se rend parfaitement compte, quant au principe ; on ne peut cependant le répéter à volonté. Viendra-t-il à la pensée du sceptique le plus endurci de nier le fait ? Assurément non. Pourquoi donc ces mêmes sceptiques nient-ils la réalité des phénomènes spirites, parce qu'ils ne peuvent les manipuler à leur gré ? Ne pas admettre qu'en dehors du connu il puisse y avoir des agents nouveaux, régis par des lois spéciales ; nier ces agents parce qu'ils n'obéissent pas aux lois que nous connaissons, c'est, en vérité, faire preuve de bien peu de logique et montrer un esprit bien étroit.

Si étonnante que soit la photographie des esprits, voici un échantillon de photographie naturelle plus extraordinaire encore, attestée, en 1858, par M. Jobar, le savant bien connu.

«M. Badet, mort le 12 novembre dernier, après une maladie de trois mois, avait coutume, dit l'Union bourguignonne de Dijon, chaque fois que ses forces le lui permettaient, de se placer à une fenêtre du premier étage, la tête constamment tournée du côté de la rue, afin de se distraire par la vue des passants. Il y a quelques jours, madame Peltret, dont la maison est en face de celle de madame veuve Badet, aperçut à la vitre de cette fenêtre M. Badet lui-même, avec son bonnet de coton, sa figure amaigrie, etc., enfin tel qu'elle l'avait vu pendant sa maladie. Grande fut son émotion, pour ne pas dire plus. Elle appela, non seulement ses voisins, dont le témoignage pouvait être suspecté, mais encore des hommes sérieux, qui aperçurent bien distinctement l'image de M. Badet sur la vitre de la fenêtre où il avait coutume de se placer. On montra aussi cette image à la famille du défunt, qui, sur-le-champ, fit disparaître la vitre.

«Il reste toutefois bien constaté que la vitre avait pris l'empreinte de la figure du malade, qui s'y est trouvée comme daguerréotypée, phénomène qu'on pourrait expliquer si, du côté opposé de la fenêtre, il y en eût une autre par où les rayons solaires eussent pu arriver à M. Badet ; mais il n'en est rien, la chambre n'avait qu'une seule croisée. Telle est la vérité toute nue sur ce fait étonnant dont il convient de laisser l'explication aux savants.»

Il n'est pas inutile de dire qu'on n'en a donné aucune, et cela n'a rien de surprenant, puisque, la vitre ayant été détruite, on n'a pu l'analyser. Ce que nous voulons retenir de cette histoire, c'est la possibilité de la photographie spontanée, et montrer que loin d'être ridicules, les spirites sont des chercheurs consciencieux qui marchent en parfait accord avec la science, et que plus nos connaissances s'étendront, plus nous expliquerons facilement les faits qui paraissaient tout d'abord surnaturels.

Médiumnité auditive.

La médiumnité auditive consiste dans la faculté d'entendre certains bruits, certaines paroles prononcées par les esprits, et qui ne frappent pas l'ouïe dans les conditions ordinaires de la vie. Il faut pour cette faculté, comme pour la précédente, distinguer deux cas : 1° l'intuition et, 2°, l'audition réelle.

L'intuition a lieu d'âme à âme ; c'est une transmission de pensées s'opérant sans le secours des sens, c'est une voix intime qui retentit dans le for intérieur ; mais bien que les pensées qui sont reçues soient claires et distinctes, elles ne sont pas articulées au moyen de mots et n'ont rien de matériel. Dans l'audition, au contraire, les paroles sont prononcées de manière que le médium les entend comme si elles provenaient d'une personne placée à côté de lui.

Allan Kardec, le grand initiateur que l'on a voulu faire passer pour un imposteur, s'élève avec une grande force contre ces spirites crédules qui veulent attribuer les phénomènes les plus ordinaires de la vie à l'action des esprits. Il recommande la plus extrême circonspection dans l'analyse des faits, et ne cesse de donner des conseils pour mettre en garde ses adeptes contre les erreurs, les hallucinations et les fausses interprétations. Voici ce qu'il a écrit à propos de la médiumnité auditive.

«Il faudrait bien se garder de prendre pour des voix occultes tous les sons qui n'ont pas de cause connue, ou de simples tintements d'oreilles, et surtout de croire qu'il y a la moindre vérité dans la croyance vulgaire, que l'oreille qui tinte nous avertit que l'on parle de nous quelque part. Ces tintements, dont la cause est purement physiologique, n'ont d'ailleurs aucun sens, tandis que les sons pneumatophoniques expriment des pensées et c'est à ce seul caractère qu'on peut reconnaître qu'ils sont dus à une cause intelligente et non accidentelle. On peut poser en principe que les effets notoirement intelligents sont les seuls qui peuvent attester l'intervention des Esprits ; quant aux autres, il y a au moins cent chances contre une qu'ils soient dus à des causes fortuites.

«Il arrive assez fréquemment que, dans le demi-sommeil, on entend distinctement prononcer des mots, des noms, quelquefois même des phrases entières, et cela assez fortement pour nous réveiller en sursaut. Quoiqu'il puisse arriver que dans certains cas ce soit bien réellement une manifestation, ce phénomène n'a rien d'assez positif pour qu'on ne puisse l'attribuer à une cause quelconque, telle que l'hallucination. Ce que l'on entend ainsi n'a, du reste, aucune suite ; il n'en est pas de même quand on est tout à fait éveillé, car alors, si c'est un Esprit qui se fait entendre, on peut presque toujours faire avec lui un échange de pensées et lier une conversation régulière.»

Cherchons maintenant à comprendre comment les esprits peuvent procéder pour nous faire entendre des paroles et par quels moyens ils produisent des sons. Cette étude ne peut s'entreprendre qu'en ayant une connaissance aussi exacte que possible de la nature du son. Sir William Thomson a dernièrement fait une remarquable conférence sur ce sujet ; mettons sous les yeux du lecteur ses principales remarques.

Quelles sont nos perceptions dans le sens de l'ouïe ? Et d'abord, qu'est-ce qu'entendre ?

Entendre, c'est percevoir par l'oreille ; mais percevoir quoi ? Il y a des choses que nous pouvons entendre sans l'oreille. Beethoven atteint de surdité pendant une grande partie de sa vie, ne percevait rien par l'ouïe. Il composait ses oeuvres les plus remarquables sans pouvoir s'en rendre compte par l'audition. Il se tenait, dit-on, auprès d'un piano avec un bâton appuyé d'un côté sur l'instrument et de l'autre contre ses dents, et de cette façon il pouvait entendre les sons émis. La perception des sons n'a donc pas l'oreille pour unique organe et l'on pourrait déjà comprendre qu'un médium entendît des sons, tout en ne se servant pas de l'ouïe ; mais nous voulons déterminer quelle est la nature de la perception qui se fait habituellement chez un homme en possession de tous les organes des sens. C'est une sensation de variation de pression.

Lorsque le baromètre monte, la pression sur le tympan de l'oreille s'accroît ; lorsqu'il descend, la pression diminue. Eh bien, supposons que la pression de l'air s'accroisse ou diminue soudainement en un quart de minute, par exemple ; supposons que dans ce court espace de temps le mercure s'élève de plusieurs millimètres pour retomber ensuite aussi rapidement ; percevrons-nous ce changement ? Non, mais si la variation barométrique était de 5 à 10 centimètres en une demi-minute, un grand nombre de personnes percevraient ce déplacement. D'ailleurs, cette affirmation n'est pas théorique, l'observation la confirme. Ceux qui descendent dans une cloche à plongeur éprouvent la même sensation que si, par une cause inconnue, le baromètre s'élevait dans l'espace d'une demi-minute de 10 à 15 centimètres. Nous avons donc la sensation de la pression atmosphérique, mais notre organe n'est pas assez délicat pour nous permettre de percevoir les variations entre le maximum et le minimum du baromètre.

Lorsqu'on opère une descente dans une cloche à plongeur, la main ne ressent pas les changements de pression atmosphérique ; c'est d'une autre façon qu'elle se révèle à notre sensibilité. Derrière le tympan de notre oreille se trouve une cavité pleine d'air. Une pression plus forte d'un côté que de l'autre de cette membrane produit une sensation pénible, qui peut même, en cas d'une descente brusque, entraîner sa rupture. Donc, entendre un son, c'est percevoir les changements subits de pression sur le tympan de l'oreille, pression qui s'exerce dans un laps de temps assez court, et avec une force assez modérée pour ne pas déterminer de lésion ou de rupture, mais qui cependant est suffisante pour transmettre une sensation très nette au nerf auditif.

Si nous pouvions percevoir par l'oreille une hausse barométrique d'un millimètre en un jour, cette variation serait un son. Mais comme notre oreille n'est pas assez délicate pour cela, nous ne pouvons pas dire que ce changement est un son. Si la différente de pression survenait brusquement ; si, par exemple, le baromètre venait à varier d'un millimètre en 1/100 de seconde, nous l'entendrions, car cette variation soudaine de la pression atmosphérique produirait un son analogue à celui du choc de nos deux mains.

Quelle est la distinction à faire entre un phénomène sonore et un son musical ? Le son musical est un changement régulier et périodique de pression. C'est une augmentation et une diminution alternative de pression atmosphérique, assez rapide pour être perçue en tant que son, et se reproduisant par période avec une régularité parfaite. Quelquefois les bruits et les sons musicaux se confondent. La dureté, l'irrégularité, les périodes mal séparées ont pour effet de produire des dissonances compliquées qu'une oreille non exercée ne comprendra pas et prendra pour un bruit.

Le sens de la vue pourrait être rapproché du sens de l'ouïe ; tous deux sont causés par de rapides variations de pression. On sait avec quelle promptitude doivent se produire les alternatives entre la pression maxima et la pression minima pour produire le son d'une note de musique. Si le baromètre varie une fois en une minute, nous ne percevons pas cette variation en tant que note musicale ; mais supposons que par une action mécanique de l'air, la pression barométrique vienne à changer beaucoup plus rapidement, ce changement de pression que le mercure n'est pas assez rapide pour indiquer à nos yeux, l'oreille le percevra en tant que son ; si la période se reproduit 20, 30, 40, 50 fois par seconde, on entendra une note grave. Si la période s'accélère, la note grave, au début, s'élèvera graduellement, deviendra de plus en plus haute, de plus en plus aiguë ; si elle atteint 256 périodes par seconde, nous aurons une note, qui dans la musique ordinaire, correspond à l'ut grave du ténor.

Il résulte de ceci que la parole étant une succession de sons est produite par des variations de pression atmosphérique déterminées par les différences de volume du gosier et de la bouche pendant l'émission de la voix humaine. Mais les esprits n'ayant pas de gosier, comment font-ils pour produire ces sons ? Ici encore la science nous met sur la voie des explications.

L'illustre inventeur du téléphone, Graham Bell, dit que si l'on fait tomber un rayon lumineux intermittent sur un corps solide, on peut percevoir un son. M. Tyndall crut devoir attribuer ce son à l'action de la chaleur sur le corps et pensa qu'il résultait de changements alternatifs de volumes, dus à des variations de température. Si cela était, les gaz et les vapeurs, doués de pouvoir absorbant, devraient donner des sons très forts et l'intensité du son devrait fournir le moyen de mesurer le pouvoir absorbant. C'est ce qui fut vérifié par l'expérience. Il est donc démontré aujourd'hui que l'on peut obtenir des sons variés depuis les plus aigus jusqu'aux plus graves, en faisant agir un rayon calorifique sur certaines vapeurs. Or nous savons que les esprits, par leur volonté, agissent sur les fluides ; nous pouvons donc nous imaginer de quelle manière ils peuvent produire des bruits et quelquefois des paroles articulées. Au lieu de chasser de l'air par le gosier, ils projettent à chaque mot, sur certains fluides, des jets caloriques, et les vibrations de ces fluides produisent les sons que le médium perçoit.

Il est évident que ces paroles n'ont pas besoin d'être prononcées avec toute la force que nous y mettons dans la vie ; l'oreille dans l'état spécial déterminé par la médiumnité est un instrument extrêmement délicat qui saisit les plus légers changements de pression. Même à l'état normal, l'ouïe est susceptible d'une grande finesse. Une expérience récente nous en donne la preuve. On peut faire des transmissions téléphoniques sans récepteur. Tout dernièrement, M. Giltay, au moyen de modifications apportées dans la construction de l'appareil, est arrivé à se passer complètement de condensateur. Deux personnes saisissent chacune d'une main une poignée ; l'une d'elles applique sa main gantée sur l'oreille de la seconde et cette dernière entend sortir de cette main les paroles prononcées sur le transmetteur microphonique.

M. Giltay a expliqué ce fait en disant que la main et l'oreille constituent les armatures d'un condensateur dont le gant représente la substance isolante. L'expérience peut se faire d'une manière plus originale encore ; c'est ainsi qu'elle a été exécutée aux séances de la Société de physique. Les deux expérimentateurs saisissent les poignées comme précédemment et appliquent leur main libre sur les oreilles d'une troisième personne. Dans ces conditions, celle-ci entend parler les mains comme si elles avaient des récepteurs téléphoniques ordinaires.

L'état actuel de la science ne permet pas d'éclaircir ce mode de transmission de la parole, et c'est une nouvelle question à ajouter aux points obscurs que renferme la téléphonie. L'époque n'est peut-être pas éloignée où ces phénomènes, inexplicables aujourd'hui, paraîtront faciles à comprendre et n'étonneront plus personne. Mais pour le moment, l'expérience n'en est que plus curieuse, ainsi que le remarque M. Hospitalier. Tout ce que l'on en peut conclure jusqu'ici, c'est que l'oreille est un instrument d'une incomparable délicatesse et d'une exquise sensibilité, puisqu'elle perçoit les vibrations dans lesquelles l'énergie mise en jeu est d'une faiblesse excessive.

Ceci nous aide à comprendre comment le médium auditif entend la voix des esprits, quoique ceux-ci ne puissent prononcer les mots et faire vibrer les fluides avec la même intensité que nous autres incarnés.

Nous ne pouvons nous défendre d'un légitime sentiment d'admiration devant les découvertes merveilleuses de la science moderne ; nous sommes d'autant plus ravis de ces recherches qu'elles nous permettent de comprendre l'action des esprits sur les incarnés, et de faire rentrer dans le cadre des lois naturelles des phénomènes considérés à tort comme surnaturels. Le progrès s'affirme de plus en plus, et nous pouvons dire que la postérité sera étonnée des choses que nous avons ignorées.

Médiumnité typtologique.

La médiumnité typtologique est cette faculté qui permet d'obtenir, au moyen d'un objet quelconque, table ou autre, des communications intelligentes par des effets de déplacement, ou par des coups frappés dans l'intérieur de l'objet dont on se sert.

L'explication de ces faits est bien simple dans le cas des coups frappés. Graham Bell nous l'a indiqué précédemment. Lorsque l'esprit veut produire un bruit dans la table, au moyen du fluide nerveux du médium et de son fluide périsprital, il forme une colonne fluidique qu'il lance sur le plateau de la table. Or nous savons qu'un rayon calorifique qui frappe d'une manière intermittente sur une substance solide y détermine des sons ; donc, c'est de la même manière que l'on peut comprendre l'action spirituelle des esprits dans les coups frappés.

Examinons maintenant le cas où la table se déplace sous les mains du médium pour exécuter des mouvements variés. Il est naturel de supposer, lorsque l'on sait que les esprits peuvent se matérialiser, qu'ils soulèvent le meuble et lui font accomplir des déplacements de la même manière que nous le faisons nous-mêmes. Il n'en est rien, et les esprits sont venus nous expliquer eux-mêmes de quelle manière ils opèrent. Voici ce qu'Allan Kardec dit à ce sujet :

«Lorsque la table se meut sous vos mains, l'esprit évoqué combine une partie du fluide universel avec celui que dégage le médium ; il en sature la table, qui est ainsi pénétrée d'une vie factice. La table ainsi préparée, l'esprit la tire et la meut sous l'influence de son propre fluide dégagé par sa volonté. Lorsque la masse qu'il veut mettre en mouvement est trop pesante, il appelle à son aide des esprits qui se trouvent dans les mêmes conditions que lui, et en combinant leurs fluides ils arrivent au résultat voulu.»

Pour que l'action se produise, il faut donc que la table soit en quelque sorte animalisée. Les fluides nécessaires à cette opération sont fournis par l'esprit et le médium, car celui-ci est le réservoir du fluide vital qui est Indispensable pour animer la table. Sachant déjà comment l'esprit manipule les fluides, cette question n'a plus rien d'obscur pour nous.

L'action est d'ailleurs semblable à celles que nous produisons chaque jour. Lorsque nous désirons faire mouvoir un de nos membres, le bras, par exemple, l'esprit est d'abord obligé de vouloir, la vibration de cette volonté se transmet au fluide nerveux et le bras exécute le mouvement prescrit par notre âme. Si pour une cause quelconque le fluide nerveux ne circule plus dans les nerfs qui aboutissent à cette partie du corps, l'action ne peut s'exécuter.

Dans le cas des manifestations typtologiques, l'esprit est relié à la table par un cordon fluidique qui joue le même rôle que le système nerveux dans l'homme, tous deux servent à transmettre la volonté. Il est évident que les faits obtenus sont d'autant plus accentués que l'esprit est plus fort et que les dictées intelligentes sont en rapport avec le degré d'avancement de l'âme qui se communique et avec son aptitude à se servir des fluides.

Ces remarques nous permettent de répondre aux incrédules qui s'étonnent, lorsqu'une table se meut, qu'elle ne puisse toujours répondre à leurs interrogations.

Nous pouvons comparer un esprit qui agit sur une table à un individu opérant sur un manipulateur du télégraphe Morse. Si cet opérateur n'a pas appris l'alphabet conventionnel dont on se sert pour transmettre les dépêches, il n'enverra que des signaux inintelligibles, mais si, au contraire, il est versé dans l'art de télégraphier, le récepteur enregistrera des phrases parfaitement compréhensibles. Il ne faut donc pas s'étonner qu'un esprit soit inhabile à se manifester les premières fois qu'on l'évoque, et nous avons souvent remarqué que cette inaptitude cesse assez rapidement lorsque l'on appelle plusieurs fois le même esprit. Il a fallu que ce désincarné apprenne la manière dont on s'y prend, et en cela, comme en tout, il faut un certain temps.

Ce que nous disons pour la médiumnité typtologique s'applique indistinctement à tous les genres de manifestations des esprits. On le voit, tout est simple et compréhensible dans notre façon d'interpréter les faits, et seuls les gens à parti pris continueront à nous traiter de fous et d'hallucinés.

Sans avoir été aussi loin que nous dans la théorie, Crookes a étudié les phénomènes au point de vue matériel, et dans l'espèce il est arrivé à une certitude absolue. Nous ne pouvons reproduire, in extenso, le récit de ses recherches, nous nous contenterons de donner les remarques finales que voici :

«Ces expériences mettent hors de doute les conclusions auxquelles je suis arrivé dans un précédent mémoire, savoir : l'existence d'une force associée d'une manière encore inexpliquée à l'organisme humain, force par laquelle un surcroît de poids peut être ajouté à des corps solides sans contact effectif. Dans le cas de M. Home, ce pouvoir varie énormément, non seulement de semaine en semaine, mais d'une heure à l'autre ; dans quelques occasions cette force ne peut être accusée par mes appareils, pendant une heure ou même davantage, et puis tout à coup elle reparaît avec une grande énergie. Elle est capable d'agir à une certaine distance de M. Home (il n'est pas rare que ce soit jusqu'à deux ou trois pieds) ; mais toujours elle est plus puissante auprès de lui.

«Dans la ferme conviction où j'étais qu'un genre de force ne pouvait se manifester sans la dépense correspondante d'un autre genre de force, j'ai vainement cherché pendant longtemps la nature de la force ou du pouvoir employé pour produire ces résultats.

«Mais maintenant que j'ai pu observer davantage M. Home, je crois découvrir ce que cette force physique emploie pour se développer. En me servant des termes : force vitale, énergie nerveuse, je sais que j'emploie des mots qui, pour bien des investigateurs, prêtent à des significations différentes ; mais après avoir été témoin de l'état pénible de prostration nerveuse dans laquelle quelques-unes de ces expériences ont laissé M. Home, après l'avoir vu dans un état de défaillance presque complète, étendu sur le plancher, pâle et sans voix, je puis à peine douter que l'émission de la force psychique ne soit accompagnée d'un épuisement correspondant de la force vitale.»

C'est ainsi que se justifie la première partie de l'enseignement des esprits qui révélèrent à Allan Kardec la théorie des manifestations physiques. Il est dit, en effet, dans le livre des médiums, que toute action physique produite par les esprits exige une dépense de fluide nerveux du médium.

Continuons notre citation.

«Pour être témoin des manifestations de cette force, il n'est pas nécessaire d'avoir accès auprès des psychistes (lisez médiums) en renom. Cette force est probablement possédée par tous les êtres humains, quoique les individus qui en sont doués avec une énergie extraordinaire soient très rares. Pendant l'année qui vient de s'écouler (octobre 1871), j'ai rencontré dans l'intimité de quelques familles cinq ou six personnes qui possèdent cette force d'une manière assez puissante pour m'inspirer pleinement la confiance que, par leur moyen, on aurait pu obtenir des résultats semblables à ceux qui viennent d'être décrits, pourvu que les expérimentateurs opérassent avec des instruments plus délicats et susceptibles de marquer une fraction de grain, au lieu d'indiquer seulement des livres et des onces.»

Deuxième confirmation de notre théorie qui prétend que nous possédons tous en germe la médiumnité.

En attendant l'apparition d'un grand ouvrage de l'illustre chimiste, sur la force psychique, citons quelques-unes de ses réflexions.

«Autant que mes occupations me le permettront, je me propose de continuer ces expériences de diverses manières, et, de temps en temps, j'en ferai connaître les résultats. En attendant j'ai la confiance que d'autres seront amenés à poursuivre cette investigation sous la forme scientifique. Qu'il soit bien compris cependant que, de même que toutes les autres expériences scientifiques, ces recherches doivent être conduites en parfait accord avec les conditions dans lesquelles la force se développe. De même que dans les expériences d'électricité par frottement, c'est une condition indispensable que l'atmosphère soit exempte d'un excès d'humidité et qu'aucun corps conducteur ne doit toucher l'instrument pendant que cette force s'engendre, de même on a trouvé que certaines conditions étaient indispensables à la production et à l'action de la force psychique, et si ces précautions ne sont pas observées, les expériences ne réussissent pas. Je suis formel sur ce point, parce que quelquefois on a fait des objections déraisonnables à la force psychique, par la raison qu'elle ne se développe pas dans des conditions contraires dictées par des expérimentateurs qui cependant, repousseraient les conditions qu'on leur imposerait à eux-mêmes pour la production de quelques-uns de leurs propres résultats scientifiques.

«Mais je puis ajouter que les conditions requises sont très peu nombreuses, très raisonnables et qu'en aucune manière elles ne portent obstacle à l'observation la plus parfaite et à l'application du contrôle le plus rigoureux et le plus exact.»

Il est de notoriété publique dans le monde scientifique de l'Angleterre, que la force psychique est bien une réalité. Peu de nouvelles découvertes ont suscité autant de discussions et d'expériences contradictoires. Lorsque, a priori, on entend nier des phénomènes qui sont attestés par les plus grandes illustrations de l'Angleterre, de l'Allemagne et de l'Amérique, on voit avec un étonnement profond jusqu'à quelles aberrations peuvent conduire la routine et le préjugé.

Afin que nos lecteurs soient absolument édifiés sur la valeur de nos croyances, nous publions le rapport du comité de la Société dialectique de Londres, sur le spiritualisme. Voici le texte même de ce document.

Rapport de la Société dialectique.

«Depuis sa création, c'est-à-dire depuis le 11 février 1869, votre sous-comité a tenu quarante séances, dans le but de faire des expériences et des épreuves rigoureuses.

Toutes ces réunions ont eu lieu dans les demeures privées des membres du comité, afin d'exclure toute possibilité de mécanisme disposé d'avance ou d'artifice quelconque.

L'ameublement des pièces dans lesquelles on a fait l'expérience a été, dans chaque circonstance, leur ameublement ordinaire.

Les tables dont on s'est servi ont toujours été des tables à manger pesantes, qui demandaient un effort considérable pour être mises en mouvement. La plus petite avait cinq pieds neuf pouces de long sur quatre pieds de large, et la plus grande neuf pieds trois pouces de long sur quatre pieds et demi de large : la pesanteur était en proportion.

Les chambres, les tables et tous les meubles en général, ont été soigneusement examinés à plusieurs reprises, avant, pendant et après les expériences, pour obtenir la certitude qu'il n'existait aucun truc, instrument ou appareil quelconque, à l'aide duquel les mouvements ci-après mentionnés eussent pu être produits.

Les expériences ont été faites à la lumière du gaz, excepté dans un petit nombre d'expériences spécialement notées dans les minutes.

Votre comité a évité de se servir de MEDIUMS DE PROFESSION OU DE MEDIUMS PAYES, le médium (mediumship) étant l'un des membres de votre sous-comité, personne placée dans une bonne position sociale et d'une intégrité parfaite, qui n'a aucun OBJECTIF PECUNIAIRE en vue et ne pourrait tirer aucun profit d'une supercherie.

Votre comité a tenu quelques réunions sans la présence d'aucun médium (il est bien entendu que, dans ce rapport, le mot «médium» est simplement employé pour désigner un individu sans la présence duquel les phénomènes décrits, ou n'ont pas lieu, ou se produisent avec moins d'intensité et de fréquence), pour essayer d'obtenir par quelque moyen des effets semblables à ceux que l'on observe lorsqu'un médium est présent.

Aucun effort ne fut capable de produire quelque chose d'entièrement semblable aux manifestations qui ont lieu en présence d'un médium.

Chacune des épreuves que l'intelligence combinée des membres de votre comité pouvait imaginer a été faite avec patience et persévérance. Les expériences ont été dirigées avec une grande variété de conditions, et toute l'ingéniosité possible a été mise en essai pour inventer des moyens qui permissent à votre comité de vérifier ses observations et d'écarter toute possibilité d'imposture ou d'illusion.

Votre comité a restreint son rapport aux FAITS dont ses membres ont été collectivement témoins, faits qui ont été palpables aux sens et dont la réalité est susceptible d'une preuve démonstrative.

Environ les quatre cinquièmes des membres de votre sous-comité ont débuté dans la voie des investigations par le scepticisme le plus complet, touchant la réalité des phénomènes annoncés, avec la ferme croyance qu'ils étaient le résultat, soit de l'imposture, soit de l'illusion, soit d'une action involontaire des muscles. Ce fut seulement après une irrésistible évidence, dans des conditions qui excluaient l'une ou l'autre de ces hypothèses et après des expériences et des épreuves rigoureuses, souvent répétées, que les membres les plus sceptiques de votre sous-comité furent, à la longue et malgré eux, convaincus que les phénomènes qui s'étaient manifestés pendant cette enquête prolongée étaient de véritables faits.

Le résultat de leurs expériences, longtemps poursuivies et dirigées avec soin, a été, après les épreuves contrôlées sous toute forme, d'établir les conclusions suivantes :

PREMIEREMENT. - Dans certaines dispositions de corps ou d'esprit, où se trouvent une ou plusieurs personnes présentes, il se produit une force suffisante pour mettre en mouvement des objets pesants, sans l'emploi d'aucun effort musculaire, sans contact ou connexion matérielle d'aucune nature entre ces objets et le corps de quelques personnes présentes.

DEUXIEMEMENT. - Cette force peut faire rendre des sons, que chacun peut entendre distinctement, à des objets matériels qui n'ont aucun contact ni aucune connexion visible ou matérielle avec le corps de quelque personne présente ; et il est prouvé que ces sons proviennent de ces objets par des vibrations qui sont parfaitement distinctes au toucher. (Avis à MM. Bersot, Jules Soury et à l'Académie des Sciences, qui a admis comme seule cause du phénomène le muscle craqueur.)

TROISIEMEMENT. - Cette force est fréquemment dirigée avec intelligence.

Quelques-uns de ces phénomènes se sont produits dans trente-quatre séances sur quarante que votre comité a tenues. La description d'une de ces expériences et la manière dont elle a été conduite montreront mieux le soin et la circonspection avec lesquels votre comité a poursuivi ses investigations.

Tant qu'il y avait contact ou simplement possibilité de contact par les mains ou par les pieds, ou même par les vêtements de l'une des personnes qui étaient dans la chambre, avec l'objet mis en mouvement ou émettant des sons, on ne pouvait être assuré que ces mouvements ou ces sons n'étaient pas produits par la personne ainsi mise en contact. L'expérience suivante a donc été tentée :

Dans une circonstance où onze membres de votre sous-comité étaient assis depuis quarante minutes autour de l'une des tables de salle à manger, décrites précédemment, et lorsque déjà des mouvements et des sons variés s'étaient produits, ils tournèrent (dans un but d'expérimentation plus rigoureuse) les dossiers des chaises vers la table, à neuf pouces environ de celle-ci ; puis ils s'agenouillèrent sur les chaises, en plaçant leurs bras sur les dossiers.

Dans cette position leurs pieds étaient nécessairement tournés en arrière, loin de la table, et, par conséquent, ne pouvaient être placés dessous, ni toucher le parquet. Les mains de chaque personne étaient étendues au-dessus de la table à environ quatre pouces de sa surface. Aucun contact avec une partie quelconque de la table ne pouvait donc avoir lieu sans qu'on s'en aperçût.

En moins d'une minute, la table, sans avoir été touchée, se déplaça quatre fois ; la première fois d'environ cinq pouces d'un côté ; puis de douze pouces, du côté opposé ; ensuite de la même manière et respectivement de quatre et de six pouces.

Les mains de toutes les personnes présentes furent ensuite placées sur les dossiers des chaises, à un pied environ de la table qui fut mise en mouvement cinq fois, avec un déplacement variant entre quatre et six pouces.

Enfin toutes les chaises furent écartées de la table à la distance de douze pouces, et chaque personne s'agenouilla sur sa chaise comme précédemment, mais cette fois en tenant les mains derrière le dos, et, par suite, le corps placé à peu près à dix-huit pouces de la table, le dossier de la chaise se trouvant ainsi entre l'expérimentateur et la table. Celle-ci se déplaça quatre fois dans des directions variées.

Pendant cette expérience décisive, et en moins d'une demi-heure, la table se mut ainsi treize fois, sans contact ou possibilité de contact avec une personne présente, les mouvements ayant lieu dans des directions différentes et quelques-uns de ceux-ci répondant à la demande de divers membres de votre comité.

La table a été examinée avec soin, tournée sens dessus dessous et scrutée pièce par pièce, mais on n'a rien découvert qui pût rendre compte des phénomènes. L'expérimentation a été faite partout en pleine lumière du gaz placé au-dessus de la table.

En résumé, votre sous-comité a été plus de CINQUANTE fois témoin de semblables mouvements SANS CONTACT, en huit soirées différentes, dans des maisons de membres de votre sous-comité ; et chaque fois les épreuves les plus rigoureuses ont été mises en oeuvre.

Dans toutes ces expériences, l'hypothèse d'un moyen mécanique ou autre a été complètement écartée, par le fait que les mouvements ont eu lieu dans plusieurs directions, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, tantôt en remontant vers le haut de la chambre, tantôt en descendant ; - mouvements qui auraient exigé la coopération d'un grand nombre de mains et de pieds et qui, en raison du volume considérable et de la pesanteur des tables, n'auraient pu se produire sans l'emploi visible d'un effort musculaire.

Chaque main et chaque pied étaient parfaitement en vue et aucun d'eux n'aurait pu bouger sans qu'on s'en aperçût immédiatement.

L'illusion a été mise hors de question. Les mouvements ont eu lieu en différentes directions, toutes les personnes présentes en ont été simultanément témoins. C'est là une affaire de mesurage et non d'opinion ou d'imagination.

Ces mouvements se sont reproduits tant de fois, dans des conditions si nombreuses et si diverses, avec tant de garanties contre l'erreur ou la supercherie et avec des résultats si invariables, que les membres de votre sous-comité, qui avaient tenté ces expériences après avoir été pour la plupart antérieurement sceptiques au début de leur investigation, ont été convaincus qu'il existe une force capable de mouvoir des corps pesants sans contact matériel, force qui dépend, d'une manière inconnue, de la présence d'êtres humains.

Votre sous-comité n'a pu collectivement obtenir aucune certitude relativement à la nature et à la source de cette force, mais il a simplement acquis la preuve du fait de son existence.

Votre comité pense qu'il n'y a aucun fondement à la croyance populaire qui prétend que la présence de personnes sceptiques contrarie la production ou l'action de cette force.

En résumé, votre sous-comité exprime unanimement l'opinion que l'existence d'un fait physique important se trouve ainsi démontrée, à savoir : que les mouvements peuvent se produire dans des corps solides, sans contact matériel, par une force inconnue jusqu'à présent, agissant à une distance indéfinie de l'organisme humain, et tout à fait indépendante de l'action musculaire, force qui doit être soumise à un examen scientifique plus approfondi, dans le but de découvrir sa véritable source, sa nature et sa puissance...»

La science reconnaît donc les phénomènes spirites. Crookes, dans cette voie féconde, poussant plus loin l'investigation, démontre que la force psychique est gouvernée par une intelligence qui n'est pas celle des assistants ; de plus, une de ces intelligences revêt temporairement un corps, dit qu'elle est l'âme d'une personne ayant vécu sur la terre, et fait photographier son image. Après cela, si l'on ne croit pas, il faut renoncer à convaincre les hommes, car rien de plus positif, de plus tangible n'a été donné dans aucune branche des connaissances humaines en faveur d'une théorie.

En dépit de MM. Lélut, Luys, Moleschott, Buchner, Carl Vogt et autres matérialistes, nous n'accepterons dans nos discussions, à l'avenir, que des faits établis scientifiquement, ne voulant plus, aujourd'hui que nous possédons des certitudes, disputer contre des hypothèses sans fondement. Ce ne sont plus des visionnaires, des cerveaux creux qui proclament l'authenticité de nos manifestations ; c'est la science officielle de l'Angleterre. On nous opposait jadis Chevreul, Babinet, Faraday. Maintenant nous présentons Crookes, Warley, Oxon, de Morgan, A. Wallace et toute la société dialectique. Que nos contradicteurs démontrent que ces illustrations sont dans le faux et nous les croirons ; mais en attendant qu'ils le fassent, nous laissons le public juge de décider de quel côté est la bonne foi, la science et la vérité.

Les Apports.

On appelle apport un objet quelconque que les esprits transportent d'un lieu dans un autre. Ainsi l'on peut avoir, et c'est le cas le plus général, des apports de fleurs, de fruits, d'objets matériels, tels que médailles, bagues, etc. Il est bien évident que ce phénomène n'est probant qu'à la condition d'être produit dans des circonstances telles, qu'aucune suspicion ne soit possible. On doit pour ces sortes d'expériences n'opérer qu'avec des personnes dont l'honorabilité soit absolue, et, de plus, dans les locaux qui soient parfaitement connus des expérimentateurs. Ces recommandations ont pour objet de mettre en garde les spirites contre les supercheries, qui ne manquent jamais de se produire lorsqu'il s'agit de faits extraordinaires.

Voici l'avis d'un esprit très compétent sur ce sujet :

«Il faut nécessairement, pour obtenir des phénomènes de cet ordre, avoir avec soi des médiums que j'appellerai sensitifs, c'est-à-dire doués au plus haut degré des facultés médianimiques d'expansion et de pénétrabilité ; parce que le système nerveux de ces médiums, facilement excitable, leur permet, au moyen de certaines vibrations, de projeter autour d'eux, avec profusion, leur fluide animalisé.

«Les natures impressionnables, les personnes dont les nerfs vibrent au moindre sentiment, à la plus petite sensation, que l'influence morale ou physique, interne ou externe, sensibilise, sont des sujets très aptes à devenir d'excellents médiums pour les effets physiques de tangibilité et d'apports. En effet, leur système nerveux, presque entièrement dépourvu de l'enveloppe réfractaire qui isole ce système chez la plupart des autres incarnés, les rend propres au développement de ces divers phénomènes. En conséquence, avec un sujet de cette nature, et dont les autres facultés ne sont pas hostiles à la médianimisation, on obtiendra plus facilement les phénomènes de tangibilité, les coups frappés dans les murs et dans les meubles, les mouvements intelligents, et même la suspension dans l'espace de la matière inerte la plus lourde ; a fortiori, obtiendra-t-on ces résultats si, au lieu d'un médium, on en a sous la main plusieurs également bien doués.

«Mais de la production de ces phénomènes à l'obtention de celui des apports, il y a tout un monde ; car dans ce cas, non seulement le travail de l'esprit est plus complexe, plus difficile, mais bien plus, l'esprit ne peut opérer qu'au moyen d'un seul appareil médianimique, c'est-à-dire que plusieurs médiums ne peuvent pas concourir simultanément à la production du même phénomène. Il arrive même, au contraire, que la présence de certaines personnes antipathiques à l'esprit qui opère entrave radicalement son opération. A ces motifs qui, comme vous le voyez, ne manquent pas d'importance, ajoutez que les apports nécessitent toujours une plus grande concentration et en même temps une plus grande diffusion de certains fluides, et qu'enfin ils ne peuvent être obtenus qu'avec les médiums les mieux doués, ceux en un mot dont l'appareil électro-médianimique est le mieux conditionné. En général, les faits d'apports sont et resteront excessivement rares. Je n'ai pas besoin de vous démontrer pourquoi ils sont et seront moins fréquents que les autres faits de tangibilité : de ce que je vous dis, vous le déduirez vous-mêmes. D'ailleurs, ces phénomènes sont d'une nature telle que non seulement tous les médiums n'y sont pas propres, mais que tous les esprits eux-mêmes ne peuvent pas les produire. En effet, il faut qu'entre l'esprit et le médium influencé, il existe une certaine affinité, une certaine analogie, en un mot, une certaine ressemblance qui permette à la partie expansible du fluide périspritique de l'incarné de se mêler, de s'unir, de se combiner avec celui de l'esprit qui veut faire un apport. Cette fusion doit être telle que la force résultante devienne, pour ainsi dire, une ; de même que les deux portions d'un courant électrique, en agissant sur le charbon, produisent un foyer, une clarté uniques.

«Pourquoi cette union ? pourquoi cette fusion, direz-vous ? C'est que, pour la production de ces phénomènes, il faut que les qualités essentielles de l'esprit moteur soient augmentées de quelques-unes de celles du médiumnisé ; c'est que le fluide vital, indispensable à la production de tous les faits médianimiques, est l'apanage exclusif de l'incarné, et que, par conséquent, l'esprit opérateur est obligé de s'en imprégner. Ce n'est qu'alors qu'il peut, au moyen de certaines propriétés de votre milieu ambiant, inconnues pour vous, isoler, rendre invisibles et faire mouvoir certains objets matériels, et des incarnés eux-mêmes.

«Il ne m'est pas permis pour le moment de vous dévoiler les lois particulières qui régissent les gaz et les fluides qui nous environnent, mais avant que des années se soient écoulées, avant qu'une existence d'homme soit accomplie, l'explication de ces lois et de ces phénomènes vous sera révélée, et vous verrez surgir et se reproduire une nouvelle variété de médiums, qui tomberont dans un état cataleptique particulier, dès qu'ils seront médiumnisés1.

«Vous voyez de combien de difficultés la production des apports se trouve entourée ; vous pouvez conclure logiquement que des effets de cette nature sont excessivement rares, et avec d'autant plus de raison que les Esprits s'y prêtent fort peu, parce que cela motive de leur part un travail quasi matériel, ce qui est un ennui et une fatigue pour eux. D'autre part, il arrive encore ceci : c'est que très souvent, malgré leur énergie et leur volonté, l'état du médium lui-même leur oppose une barrière infranchissable.

«Il est donc évident, et votre raisonnement le sanctionne, je n'en doute pas, que les faits tangibles de coups, de mouvements et de suspension sont des phénomènes simples qui s'opèrent par la concentration et la dilatation de certains fluides, et qu'ils peuvent être obtenus par la volonté et le travail des médiums qui y sont aptes, quand ceux-ci sont secondés par des Esprits amis et bienveillants ; tandis que les faits d'apports sont multiples, complexes, exigent un concours de circonstances spéciales, ne peuvent s'opérer que par un seul Esprit, un seul médium, et nécessitent, en dehors des conditions de la tangibilité, une combinaison toute particulière pour isoler et rendre invisible l'objet ou les objets qui font le sujet de l'apport.

«Vous tous, spirites, vous comprenez mes explications, et vous vous rendez parfaitement compte de cette concentration de fluides spéciaux pour la locomotion, et la tactilité de la matière inerte ; vous y croyez, comme vous croyez aux phénomènes de l'électricité et du magnétisme, avec lesquels les faits médianimiques sont pleins d'analogie et en sont, pour ainsi dire, la consécration et le développement. Quant aux incrédules, je n'ai que faire de les convaincre, je ne m'occupe pas d'eux ; ils le seront un jour, par la force de l'évidence, car il faudra bien qu'ils s'inclinent devant le témoignage unanime des spirites, comme ils ont été forcés de le faire devant tant d'autres faits qu'ils avaient d'abord repoussés.

«Pour me résumer : Si les faits de tangibilité sont fréquents, les faits d'apports sont très rares, parce que les conditions en sont très difficiles ; par conséquent, nul médium ne peut dire : A telle heure, à tel moment, j'obtiendrai un apport ; car souvent l'Esprit lui-même se trouve empêché dans son oeuvre. Je dois ajouter que ces faits sont doublement difficiles en public, car on y rencontre presque toujours des éléments énergiquement réfractaires qui paralysent les efforts de l'Esprit et, à plus forte raison, l'action du médium. Tenez, au contraire, pour certain que ces phénomènes se produisent spontanément ; le plus souvent à l'insu des médiums et sans préméditation, presque toujours en particulier, et enfin, fort rarement quand ceux-ci en sont prévenus ; d'où vous devez conclure qu'il y a motif légitime de suspicion, toutes les fois qu'un médium se flatte de les obtenir à volonté, autrement dit de commander aux Esprits, comme à des serviteurs, ce qui est tout simplement absurde. Tenez encore pour règle générale que les phénomènes spirites ne sont point faits pour être donnés en spectacle et pour amuser les curieux. Si quelques Esprits se prêtent à ces sortes de choses, ce ne peut être que pour des phénomènes simples, et non pour ceux qui, comme les apports et autres semblables, exigent des conditions exceptionnelles.

«Rappelez-vous, spirites, que s'il est absurde de repousser systématiquement tous les phénomènes d'outre-tombe, il n'est pas sage non plus de les accepter tous aveuglément. Quand un phénomène de tangibilité, d'apparition, de visibilité ou d'apport se manifeste spontanément et d'une manière instantanée, acceptez-le ; mais, je ne saurais trop vous le répéter, n'acceptez rien aveuglément ; que chaque fait subisse un examen minutieux, approfondi et sévère ; car, croyez-le, le spiritisme si riche en phénomènes sublimes et grandioses, n'a rien à gagner à ces petites manifestations que d'habiles prestidigitateurs peuvent imiter.

«Je sais bien ce que vous allez me dire : c'est que les phénomènes sont utiles pour convaincre les incrédules ; mais sachez bien que si vous n'aviez pas eu d'autres moyens de conviction, vous n'auriez pas aujourd'hui la centième partie des spirites que vous avez. Parlez au coeur, c'est par là que vous ferez le plus de conversions sérieuses. Si vous croyez utile, pour certaines personnes, d'agir par les faits matériels, présentez-les au moins dans des circonstances telles, qu'elles ne puissent donner lieu à aucune fausse interprétation, et surtout ne sortez pas des conditions normales de ces faits ; car les faits présentés dans de mauvaises conditions fournissent des arguments aux incrédules au lieu de les convaincre.

«ERASTE.»

On a dû remarquer avec quelle sagesse cet esprit nous prémunit contre l'enthousiasme maladroit des fanatiques. Ces prescriptions sont celles adoptées par tous les spirites sérieux, et dans ce nombre nous pouvons compter M. Vincent, qui a publié sur les apports une intéressante brochure en 1882.

Disons tout d'abord que nous excluons les hypothèses de fraudes et de supercheries, les conditions prises par M. Vincent bannissant ces craintes. D'un autre côté l'honorabilité du narrateur étant parfaitement établie, nous pouvons, sans hésitation, admettre son témoignage. D'ailleurs, ce qu'il raconte a été obtenu maintes fois, et les revues spirites sont remplies d'exemples semblables, mais nous donnons la préférence à ce narrateur, tant pour la manière scientifique dont il a dirigé ses expériences, que pour la remarquable coïncidence qui existe entre les conditions qu'il a observées et celles décrites par l'Esprit d'Eraste, comme étant indispensables.

Laissons la parole à M. Vincent qui opère dans une chambre de sa maison, porte et fenêtre closes.

«J'arrive maintenant au premier apport et voici ce que je trouve dans mes notes à la date du 28 septembre 1880 :

«- Depuis quelques jours, je magnétise le médium tous les soirs. L'esprit qui veut produire l'apport m'a fait cette recommandation, afin de bien disposer le sujet, parce que celui-ci n'est pas un médium à effets physiques assez puissants pour qu'il soit possible d'obtenir spontanément avec ses fluides un tel phénomène. Je magnétise donc le médium ce soir encore. Aussitôt qu'il est endormi l'esprit arrive.

«Il se manifeste de la manière suivante :

«Je l'interroge comme si je parlais à un individu incarné qui se trouverait là. Il m'entend et sa pensée formule une réponse qui frappe les organes cérébraux du médium endormi. Celui-ci me transmet alors de vive voix, et comme si elle était émise par sa propre pensée, la phrase qu'il vient d'entendre ; puis je pose une autre question et l'entretien se continue ainsi jusqu'à ce que l'esprit, sentant le médium fatigué, me conseille de provoquer le réveil.

«- Il est probable, me dit-il, que je ferai mon apport demain.

«- Et que nous apporterez-vous ? demandai-je.

«- J'ai deux objets en vue. Ils sont l'un et l'autre en Angleterre, à Londres. L'un est une image que j'avais donnée à ma soeur, au siècle dernier. Il y a des mots anglais derrière. L'autre est un souvenir que le médium a donné autrefois à une personne de ses amies. J'apporterai, ajoute l'esprit, l'un ou l'autre de ces objets, peut-être les deux.

«Alors vous irez les chercher en Angleterre ?

«- Oui, maintenant tu peux le réveiller. A demain.»

«Je réveille le médium, la séance a duré un quart d'heure.

«Le lendemain, 29 septembre, je magnétise le médium à 9 heures du soir. L'Esprit arrive et me dit qu'il va produire le phénomène.

«Sur ses conseils, je fais coucher le sujet par terre. Un instant après, l'Esprit me dit d'éteindre la lumière. J'éteins la lampe. Placé près du médium, j'entendrais le moindre mouvement qu'il ferait. Il ne bouge pas.

«J'attends.

«Au bout de deux ou trois minutes, le médium me dit, toujours endormi :

«- Il me présente quelque chose, mais je ne puis le prendre.

«- Que vous présente-t-il ?

«- Ah ! il le met à côté de moi.»

«Je m'adresse alors à l'Esprit :

«- Vous êtes toujours là ?

«D'une voix faible le médium répond :

«- Oui, je reviendrai demain et je te donnerai des détails. Réveille-le.»

«Je rallume la lampe et je trouve, à côté du médium, une image ayant à peu près l'aspect de ces gravures que les jeunes filles ont dans leurs livres pieux ; il y a d'un côté un dessin représentant une rose coloriée, derrière se trouvent ces mots anglais :

For my dear Rika.

October 1783.

«Dans une coupure faite à cette image, au-dessous de la rose, sont passés trois petits rubans blancs, un peu fanés. Sur l'un je lis ces mots, qui ont été brodés : je suis le pain de vie ; sur l'autre, ceux-ci : God is love ; et sur le troisième : Christ est ma vie. Les rubans ont quelques plis, mais l'image est intacte, et il serait absolument impossible, entourée comme elle l'est, d'une dentelure bien fragile, que cette dentelure ne se soit pas froissée et déchirée, si le médium eût pris ces objets sur lui pour les déposer à son côté. Du reste, je le répète, il n'a pas fait un seul mouvement pendant l'expérience. Il est comme anéanti sur les coussins où je l'ai mis, et j'ai beaucoup de peine à le réveiller.

«J'ajoute que le médium a été très fatigué durant la soirée et la journée du lendemain. C'était comme une sorte d'épuisement ; pas de douleur, mais une lassitude générale.

«Le jour suivant, à neuf heures et demie du soir, je magnétise le médium ; l'Esprit arrive.

«- Le sujet a été fatigué, dit-il, par cet apport ; aussi ne faudra-t-il pas prolonger son sommeil. J'aurais été content si tu t'étais rendu compte de son état en consultant les battements du coeur ou du pouls. Tu aurais remarqué qu'ils battaient moins fort que de coutume ; que son état n'était plus l'état ordinaire.

«- Pouvez-vous me dire comment vous vous y êtes pris ?

«- Pas aussi bien que je le voudrais. C'est par une sorte d'absorption du fluide vital. Nous nous imprégnons des fluides du médium.

«- Je voudrais aussi vous demander comment vous avez pu faire traverser à ces objets la muraille, puisque la pièce où nous avons fait l'expérience n'a pas de cheminée et que la porte et la fenêtre étaient fermées ?

«- Je suis allé chercher ces objets dans la journée, avec des fluides que j'avais pris au médium. Je les ai dématérialisés dans les endroits où ils se trouvaient, car ils étaient dans deux maisons différentes ; puis lorsqu'ils ont été rendus fluidiques par cette opération première, je les ai apportés ici, en leur faisant traverser la muraille, comme je la traverse moi-même. Je les ai rendus matériels ensuite, avec d'autres fluides empruntés au médium que tu venais d'endormir. - L'image avait été donnée autrefois par moi à ma soeur, nommée Frédérika, ou Rika par abréviation, à l'époque où nous habitions Londres, après avoir quitté l'Allemagne. Quant aux trois petits rubans, c'est le médium lui-même qui les a donnés, il y a quinze ou seize ans, à une personne de ses amies morte depuis à Londres. Et maintenant, réveille le médium.»

«Je le réveille, il est dix heures et quart.

«Telle est l'histoire de ce premier apport. Pendant plusieurs jours j'interrogeai le même Esprit pour avoir quelques détails très précis sur la manière dont s'opérait ce phénomène. Il me répondit toujours qu'il ne pouvait pas me l'expliquer plus catégoriquement qu'il ne l'avait fait. Le 11 novembre 1880, un autre Esprit me fit cette réponse par l'écriture médianimique :

«Vous avez demandé à notre ami une explication du phénomène des apports. L'Esprit le plus érudit ne pourrait lui-même résoudre certains problèmes que, vivant sur la terre, il expliquerait à l'aide d'appareils spéciaux. La matière cosmique joue toujours le plus grand rôle dans toutes les opérations des esprits. Analyser comment il peut se faire qu'à l'aide de cette matière on désagrège un corps solide n'est pas chose facile, attendu que l'esprit se rend à peine un compte exact de ce qu'il fait. Il faut aussi compter avec la volonté de l'esprit qui veut faire une chose. En un mot, les termes nous échappent complètement. Peut-être finirions-nous par nous expliquer si, comme je vous le disais tout à l'heure, nous pouvions user, dans ces sortes d'épreuves, des instruments en usage sur la terre, dans les expériences scientifiques, ballons, cornues, etc. Soyez-nous indulgents et croyez-nous vos amis.»

Dans le récit de cet apport, nous remarquons l'état du médium qui est voisin de la catalepsie, et la perte du fluide vital qui s'opère. Les explications des Esprits ne semblent pas donner une grande lumière sur le sujet, mais au moyen des connaissances que nous possédons déjà, elles vont nous faire comprendre de quelle manière le phénomène peut s'accomplir.

Notons que l'esprit reconnaît qu'il agit par la VOLONTE, c'est ce que nous avons établi précédemment dans les autres genres de manifestations. La volonté est le seul agent dont il dispose pour manipuler les fluides, c'est une force que l'Esprit dirige à son gré.

L'Esprit ne peut se rendre compte de la manière dont les phénomènes s'accomplissent, il les constate mais ne peut les analyser ; comme il y a quelques siècles, les opérations de la nutrition, de la respiration s'accomplissaient sans que les hommes sussent comment elles se produisaient. De même qu'aujourd'hui la génération est encore une opération mystérieuse, malgré les nombreuses recherches faites à ce sujet. Essayons cependant de nous représenter de quelle façon un apport peut se concevoir.

Nous avons vu que les corps peuvent occuper des états différents depuis l'état solide jusqu'à la matière radiante ; nous pouvons donc comprendre que l'esprit, par sa volonté, et au moyen des fluides du médium, produira une opération semblable à celle qui a lieu quand on fait passer l'eau à l'état de vapeur, au moyen de la chaleur, le fluide vital faisant dans la dématérialisation l'office de calorique, mais comment comprendre que le corps ainsi dématérialisé conserve sa forme, et les rapports des molécules entre elles ?

Si nous n'avions affaire qu'à des corps bruts, on pourrait penser que l'esprit forme par sa volonté une sorte d'enveloppe fluidique et qu'il enferme le corps dématérialisé dans ce tissu fluidique, mais on ne concevrait pas comment, lorsqu'il lui rend l'état matériel, les molécules peuvent se replacer dans leur ordre normal ; il faut donc chercher autre chose. Voici l'hypothèse qui nous semble la plus rationnelle.

Il est démontré pour nous que l'homme a une enveloppe semi-matérielle et que les animaux en possèdent une semblable ; il y a des doubles fluidiques dans toutes les créatures qui ont la VIE, car toutes se développent suivant un type déterminé, et il est nécessaire qu'une force fluidique les conserve au milieu des continuelles mutations de la matière. M. d'Assier établit ce fait pour les animaux et les plantes, tant par la loi d'analogie, que par des expériences directes que l'on trouvera rapportées dans le chapitre III de son livre sur l'humanité posthume. Il pousse plus loin encore son système et croit que le double fluidique s'applique même aux corps bruts. Si l'on considère que les métaux cristallisent dans des types déterminés, on reconnaîtra qu'ils sont aussi dirigés par une force fluidique, et qu'ils peuvent posséder un double fluidique. Si nous admettons ce fait, tout devient parfaitement compréhensible.

L'esprit qui veut faire un apport n'a qu'à volatiliser en quelque sorte la matière de l'objet sur lequel il opère, puis il apporte ce double avec lui dans le lieu qu'il a choisi, et là il puise dans le fluide universel les éléments nécessaires à la reconstruction de l'objet matériel, au moyen du fluide vital. C'est pour les plantes la même opération. Le double fluidique reproduisant molécule par molécule toutes les parties de la plante, puisqu'il en est le canevas fluidique, n'a qu'à s'incorporer les molécules du fluide universel rendues matérielles par l'esprit, et la plante apparaît avec tous ses détails, sa fraîcheur, son coloris, etc., aux yeux des assistants. Enfin c'est toujours la même opération qui s'exécute quand un esprit veut se rendre visible et tangible, comme dans les expériences de Crookes. Nous ne savons jusqu'à quel point notre hypothèse se rapproche de la réalité, mais les phénomènes se produisant, il faut les expliquer, et c'est jusqu'alors la théorie qui nous semble le mieux en accord avec l'enseignement spirite et les découvertes modernes.

FIN


1 Les découvertes de Crookes ne nous mettent-elles pas sur le chemin des explications ? C'est encore une confirmation de la clairvoyance de nos guides, puisque cette communication a été obtenue en 1861.