XII. - LES MISSIONS, LA VIE SUPERIEURE.

Tout Esprit désireux de progresser en travaillant à l'oeuvre de solidarité universelle reçoit des Esprits les plus élevés une mission particulière, appropriée à ses aptitudes et à son degré d'avancement.

Les uns ont pour tâche d'accueillir les humains à leur retour à la vie spirituelle, de les guider, de les aider à se dégager des fluides épais qui les enveloppent ; d'autres sont chargés de consoler, d'instruire les âmes souffrantes et arriérées. Des esprits chimistes, physiciens, naturalistes, astronomes, poursuivent leurs recherches, étudient les mondes, leurs surfaces, leurs profondeurs cachées, agissent en tous lieux sur la matière subtile, à laquelle ils font subir des préparations, des modifications en vue d'oeuvres que l'imagination humaine aurait peine à concevoir. D'autres s'appliquent aux arts, à l'étude du Beau sous toutes ses formes. Des Esprits moins avancés assistent les premiers dans leurs tâches variées et leur servent d'auxiliaires.

Un grand nombre d'Esprits se consacrent aux habitants de la terre et des autres planètes, les stimulant dans leurs recherches, relevant les courages abattus, guidant les hésitants dans la voie du devoir. Ceux qui pratiquèrent la médecine et possèdent le secret des fluides curatifs, réparateurs, s'occupent plus spécialement des malades1.

Belle entre toutes est la mission des Esprits de lumière. Ils descendent des espaces célestes pour apporter aux humanités les trésors de leur science, de leur sagesse, de leur amour. Leur tâche est un sacrifice constant, car le contact des mondes matériels est pénible pour eux ; mais ils affrontent toutes les souffrances par dévouement pour leurs protégés, afin de les assister dans leurs épreuves et de verser dans leurs coeurs de grandes et généreuses intuitions. Il est juste de leur attribuer ces éclairs d'inspiration qui illuminent la pensée, ces épanouissements de l'âme, cette force morale qui nous soutient dans les difficultés de la vie. Si nous savions quelles contraintes s'imposent ces nobles Esprits pour parvenir jusqu'à nous, nous répondrions mieux à leurs sollicitations, nous ferions d'énergiques efforts pour nous détacher de tout ce qui est vil, impur, et nous unir à eux dans la communion divine.

Aux heures tourmentées, c'est vers ces Esprits, vers mes guides bien-aimés que s'élancent mes pensées et mes appels. C'est d'eux que me sont toujours venus le soutien moral et les suprêmes consolations.

J'ai gravi péniblement les sentiers de la vie ; mon enfance a été dure. De bonne heure, j'ai connu le labeur manuel et les lourdes charges de famille. Plus tard, dans ma carrière de propagandiste, je me suis meurtri souvent aux pierres du chemin ; j'ai été mordu par les serpents de la haine et de l'envie. Et maintenant, l'heure crépusculaire est venue pour moi ; les ombres montent et m'entourent ; je sens décliner mes forces et s'affaiblir mes organes. Mais jamais l'aide de mes amis invisibles ne m'a manqué, jamais ma voix ne les a évoqués en vain. Depuis mes premiers pas en ce monde, leur influence m'a enveloppé. Souvent, j'ai senti leurs doux effluves passer sur mon front comme un frôlement d'ailes. C'est à leurs inspirations que je dois mes meilleures pages et mes accents les plus vibrants. Ils ont partagé mes joies et mes tristesses, et, quand grondait l'orage, je les savais debout près de moi sur le chemin. Sans eux, sans leur secours, depuis longtemps j'aurais dû interrompre ma marche, suspendre mon labeur. Mais leurs mains tendues m'ont soutenu, dirigé dans la voie âpre. Quelquefois, dans le recueillement du soir ou le silence de la nuit, leurs voix me parlent, me bercent, me réconfortent ; elles résonnent dans ma solitude comme une vague mélodie. Ou bien ce sont des souffles qui passent, semblables à des caresses, de sages conseils murmurés, des indications précieuses sur les imperfections de mon caractère et les moyens d'y remédier.

Alors j'oublie les humaines misères, pour me complaire dans l'espérance de revoir un jour mes amis invisibles, de les rejoindre dans la lumière, si Dieu m'en juge digne, avec tous ceux que j'ai aimés et qui, du sein de l'Au-delà, m'aident à parcourir l'étape terrestre.

Que vers vous tous, Esprits tutélaires, entités protectrices, monte ma pensée reconnaissante, le meilleur de moi-même, le tribut de mon admiration et de mon amour !

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L'âme vient de Dieu et retourne à Dieu en parcourant le cycle immense de ses destinées. Si bas qu'elle soit descendue, tôt ou tard par l'attraction divine elle remonte dans l'infini. Qu'y cherche-t-elle ? Une connaissance toujours plus parfaite de l'Univers, une assimilation toujours plus complète de ses attributs : Beauté, Vérité, Amour ! Et en même temps, une libération graduelle des servitudes matérielles, une collaboration grandissante à l'oeuvre éternelle.

Chaque Esprit, dans l'espace, a sa vocation et la poursuit avec des facilités inconnues sur la terre ; chacun trouve sa place dans ce superbe champ d'action, dans ce vaste laboratoire universel. Partout, dans l'étendue comme sur les mondes, des sujets d'étude et de travail, des moyens d'élévation, de participation à l'oeuvre divine, s'offrent à l'âme laborieuse.

Ce n'est plus là le ciel froid et vide des matérialistes, ni même le ciel contemplatif et béat de certains croyants. C'est un univers vivant, animé, lumineux, rempli d'êtres intelligents en voie constante d'évolution.

Et plus ces êtres spirituels s'élèvent, plus leur tâche s'accentue, plus leurs missions s'accroissent en importance. Un jour, ils prennent rang parmi les âmes messagères qui vont porter aux rivages du temps et de l'espace les forces et les volontés de l'âme infinie.

Pour l'Esprit le plus inférieur comme pour le plus éminent, le domaine de la vie est sans limites. Quelle que soit la hauteur où nous sommes parvenus, il y a toujours un plan supérieur à atteindre, une perfection nouvelle à réaliser.

Dans toute âme, même la plus basse, un avenir grandiose se prépare. Chaque pensée généreuse qui commence à poindre, chaque effusion d'amour, chaque effort tendant à une vie meilleure est comme la vibration, le pressentiment, l'appel d'un monde plus élevé qui l'attire et la recevra tôt ou tard. Tout élan d'enthousiasme, toute parole de justice, tout acte d'abnégation se répercutent en progressions grandissantes sur l'échelle de nos destinées.

A mesure qu'elle se détache des sphères inférieures, où règnent les lourdes influences, où s'agitent les vies grossières, banales ou coupables, les existences de lente et pénible éducation, l'âme perçoit les hautes manifestations de l'intelligence, de la justice, de la bonté, et sa vie devient de plus en plus belle et divine. Les murmures confus, les bruits discordants des milieux humains s'affaiblissent peu à peu pour elle, puis se taisent ; en même temps les échos harmonieux des sociétés célestes lui deviennent perceptibles. C'est le seuil des régions heureuses, où règne une éternelle clarté, où plane une atmosphère de bienveillance, de sérénité et de paix, où toutes choses sortent fraîches et pures des mains de Dieu.

La différence profonde qui existe entre la vie terrestre et la vie de l'espace réside dans le sentiment de délivrance, d'allégement, dans la liberté absolue dont jouissent les Esprits bons et épurés.

Les liens matériels étant rompus, l'âme pure prend son essor vers les hautes régions ; elle y vit d'une vie libre, paisible, intense, près de laquelle le passé terrestre ne lui semble plus qu'un songe douloureux. Dans l'effusion des tendresses partagées, dans une vie exempte de maux, de nécessités physiques, l'âme sent ses facultés s'accroître ; elles acquièrent une pénétration et une étendue dont les phénomènes de l'extase nous font entrevoir les splendeurs voilées.

Le langage du monde spirituel est la langue des images et des symboles, rapides comme la pensée. C'est pourquoi nos guides invisibles se servent de préférence de tableaux symboliques pour nous prévenir dans le rêve d'un danger ou d'un malheur. L'éther, fluide souple et lumineux, prend avec une facilité extrême les formes que leur volonté y imprime. Les Esprits communiquent entre eux et se comprennent par des procédés près desquels l'art oratoire le plus consommé, toute la magie de l'éloquence humaine ne paraîtraient qu'un balbutiement grossier. Les intelligences élevées perçoivent et réalisent sans effort les plus merveilleuses conceptions de l'art et du génie. Mais ces conceptions ne sauraient être transmises intégralement aux hommes. Même dans ses manifestations médianimiques les plus parfaites, l'Esprit supérieur doit subir les lois physiques de notre monde et ce sont seulement de vagues reflets ou des échos affaiblis des sphères célestes, quelques notes égrenées de la grande symphonie éternelle qu'il peut faire parvenir Jusqu'à nous.

Tout est gradué dans la vie spirituelle. A chaque degré d'évolution de l'être vers la sagesse, la lumière, la sainteté, correspond un état plus parfait de ses sens réceptifs, de ses moyens de perception. Le corps fluidique, devenu de plus en plus transparent, diaphane, laisse un libre passage aux radiations de l'âme. De là, une aptitude plus grande à goûter, à comprendre les splendeurs infinies ; de là, un souvenir plus étendu du passé, une familiarisation croissante avec les êtres et les choses des plans supérieurs, jusqu'à ce que l'âme, dans sa progression, ait atteint lies suprêmes altitudes.

Parvenu à ces hauteurs, l'Esprit a vaincu toute passion, toute tendance au mal ; il est libéré pour jamais du joug matériel et de la loi des renaissances. C'est l'entrée définitive dans les divins royaumes, d'où il ne redescendra plus dans le cercle des générations que volontairement et pour y accomplir des missions sublimes.

Sur ces sommets, l'existence est une fête perpétuelle de l'intelligence et du coeur. C'est la communion étroite dans l'amour avec tous ceux qui nous ont été chers et ont parcouru avec nous le cycle des transmigrations et des épreuves. Ajoutez-y la vision constante de l'éternelle Beauté, une pénétration profonde des mystères et des lois de l'Univers, et vous aurez une faible idée des joies réservées à tous ceux qui, par leurs mérites et leurs efforts, sont parvenus aux cieux supérieurs.


1 Les cas de guérisons par des Esprits sont très nombreux ; on en trouvera des relations dans toute la littérature spirite.
(Voir, par exemple, le cas cité par Myers, Human Personality, II, 124). La femme d'un grand médecin, de réputation européenne, souffrant d'un mal que son mari avait été impuissant à soulager, fut radicalement guérie par l'esprit d'un autre médecin.
Voir aussi le cas de Mme Claire Galichon, qui fut guérie par des magnétisations de l'esprit du curé d'Ars. Le fait est raconté par elle-même dans ses Souvenirs et Problèmes spirites, pages 174 et suivantes.