IV.- LA MEDIUMNITE DE JEANNE D'ARC ; CE QU'ETAIENT SES VOIX ; PHENOMENES ANALOGUES ANCIENS ET RECENTS.

Debout, les yeux en pleurs, elle prête l'oreille
A quelque messager des cieux !

PAUL ALLARD.

Les phénomènes de vision, d'audition, de prémonition, qui parsèment la vie de Jeanne d'Arc, ont donné lieu aux interprétations les plus diverses. Parmi les historiens, les uns n'ont vu là que des cas d'hallucination ; certains sont allés jusqu'à parler d'hystérie ou de névrose. D'autres ont attribué à ces faits un caractère surnaturel et miraculeux.

Le but essentiel de cet ouvrage est d'analyser ces phénomènes, de démontrer qu'ils sont réels et se rattachent à des lois longtemps ignorées, mais dont l'existence se révèle de jour en jour, d'une manière plus imposante et plus précise.

A mesure que s'accroît la connaissance de l'univers et de l'être, la notion du surnaturel recule, s'évanouit. On le comprend désormais : la nature est une ; mais, dans son immensité, elle recèle des domaines, des formes de vie qui ont longtemps échappé à nos sens. Ceux-ci sont des plus bornés. Ils ne nous laissent percevoir que les aspects les plus grossiers, les plus élémentaires de l'univers et de la vie. Leur pauvreté, leur insuffisance s'est révélée surtout au moment de l'invention des puissants instruments d'optique, le télescope et le microscope, qui ont élargi dans tous les sens le champ de nos perceptions visuelles. Que savions-nous des infiniment petits avant la construction des appareils grossissants ? que savions-nous de ces innombrables existences, qui pullulent et s'agitent autour de nous et même en nous ?

Ce ne sont là pourtant que les bas-fonds de la nature et, pour ainsi dire, le substratum de la vie. Mais, au-dessus, des plans se succèdent et s'étagent, sur lesquels se graduent des formes d'existences de plus en plus subtiles, éthérées, intelligentes, d'un caractère encore humain, puis angélique à certaines hauteurs, appartenant toujours, par leurs formes, sinon par leur essence, à ces états impondérables de la matière que la science constate aujourd'hui sous plusieurs de leurs aspects, par exemple dans la radioactivité des corps, les rayons Roentgen, dans tout l'ensemble des expériences faites sur la matière radiante.

Au-delà des formes visibles et tangibles qui nous sont familières, nous savons maintenant que la matière se retrouve encore sous des états nombreux et variés, invisibles et impondérables, que peu à peu elle s'affine, se transforme en force et en lumière, pour devenir l'éther cosmique des physiciens. Dans tous ces états, sous tous ces aspects, elle est encore la substance dans laquelle se tissent d'innombrables organismes, des formes de vie d'une ténuité inimaginable. Dans cet océan de matière subtile, une vie intense s'agite au-dessus et autour de nous. Par-delà le cercle étroit de nos sensations, des abîmes se creusent, un vaste monde inconnu se déroule, peuplé de forces et d'êtres que nous ne percevons pas, mais qui cependant participent à notre existence, à nos joies, à nos souffrances et, dans une certaine mesure, peuvent nous influencer, nous secourir. C'est dans ce monde incommensurable qu'une science nouvelle s'efforce de pénétrer.

Dans une conférence faite à l'Institut général psychologique, il y a quelques années, le docteur Duclaux, directeur de l'Institut Pasteur, s'exprimait en ces termes : " Ce monde peuplé d'influences que nous subissons sans les connaître, pénétré de ce quid divinum que nous devinons sans en avoir le détail, est plus intéressant que celui dans lequel s'est jusqu'ici confinée notre pensée. Tâchons de l'ouvrir à nos recherches : il y a là d'immenses découvertes à faire, dont profitera l'humanité. "

Chose merveilleuse ! nous appartenons nous-mêmes, pour une partie de notre être, la plus importante, à ce monde invisible qui se révèle chaque jour aux observateurs attentifs. Il est, en chaque être humain, une forme fluidique, un corps subtil, indestructible, image fidèle du corps physique et dont celui-ci n'est que le revêtement passager, la gaine grossière. Cette forme a ses sens propres, plus puissants que ceux du corps physique ; ceux-ci n'en sont que le prolongement affaibli1.

Le corps fluidique est le véritable siège de nos facultés, de notre conscience, de ce que les croyants de tous les âges ont appelé l'âme. Celle-ci n'est pas une vague entité métaphysique, mais plutôt un centre impérissable de force et de vie, inséparable de sa forme subtile. Elle préexistait à notre naissance, et la mort n'a pas d'action sur elle. Elle se retrouve au-delà de la tombe dans la plénitude de ses acquisitions intellectuelles et morales. Sa destinée est de poursuivre, à travers le temps et l'espace, son évolution vers des états toujours meilleurs, toujours plus éclairés des rayons de la justice, de la vérité, de l'éternelle beauté. L'être, perfectible à jamais, recueille dans son état psychique, agrandi, le fruit des travaux, des sacrifices et des épreuves de toutes ses existences.

Ceux qui ont vécu parmi nous et poursuivent leur évolution dans l'espace, ne se désintéressent pas de nos souffrances et de nos larmes. Des plans supérieurs de la vie universelle découlent sans cesse sur la terre des courants de force et d'inspiration. De là viennent les illuminations soudaines du génie, les souffles puissants qui passent sur les foules aux heures décisives ; de là, le soutien et le réconfort pour ceux qui ploient sous le fardeau de l'existence. Un lien mystérieux relie le visible et l'invisible. Des rapports peuvent s'établir avec l'Au-delà, à l'aide de certaines personnes spécialement douées, chez qui les sens cachés de l'âme, les sens psychiques, ces sens profonds qui dorment chez tout être humain, peuvent s'éveiller et entrer en action dès cette vie. Ce sont ces aides que nous nommons des médiums.

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Au temps de Jeanne d'Arc, on ne pouvait comprendre ces choses. On ne possédait sur l'univers et sur la véritable nature de l'être, que des notions confuses, et, sur bien des points, incomplètes ou erronées. Cependant, depuis des siècles, l'esprit humain, malgré ses hésitations, ses incertitudes, a marché de conquêtes en conquêtes. Aujourd'hui, il commence à prendre son essor. La pensée humaine s'élève, nous venons de le voir, au-dessus du monde physique et plonge dans les vastes régions du monde psychique, où l'on commence à entrevoir le secret des causes, la clé de tous les mystères, la solution des grands problèmes de la vie, de la mort et de la destinée.

Nous n'oublions pas les railleries dont ces études ont été l'objet au début, ni combien de critiques visent encore ceux qui, courageusement, persévèrent dans ces recherches, dans ces relations avec l'invisible. Mais n'a-t-on pas raillé, même au sein des sociétés savantes, bien des découvertes qui, plus tard, se sont révélées comme autant de vérités éclatantes ! Il en sera de même de l'existence des Esprits. L'un après l'autre, les hommes de science sont obligés de l'admettre, et souvent à la suite d'expériences destinées à en démontrer le peu de fondement. Sir W. Crookes, le célèbre chimiste anglais, dont ses compatriotes font l'égal de Newton, fut de ceux-là. Citons aussi Russell Wallace, O. Lodge ; Lombroso, en Italie ; les docteurs Paul Gibier et Dariex, en France ; en Russie, le conseiller d'Etat Aksakof ; en Allemagne, le baron du Prel et l'astronome Zöllner2.

L'homme sérieux qui se tient à distance égale d'une crédulité aveugle et d'une non moins aveugle incrédulité, est obligé de reconnaître que ces manifestations ont eu lieu dans tous les temps. On les trouvera à toutes les pages de l'histoire, dans les livres sacrés de tous les peuples, aussi bien chez les voyants de l'Inde, de l'Egypte, de la Grèce et de Rome, que chez les médiums de nos jours. Les prophètes de Judée, les apôtres chrétiens, les druidesses de la Gaule, les inspirés des Cévennes à l'époque de la guerre des Camisards, tirent leurs révélations de la même source que notre bonne Lorraine.

La médiumnité a toujours existé, car l'homme a toujours été esprit, et cet esprit s'est ouvert, à toutes les époques, une trouée sur le monde inabordable à nos sens ordinaires.

Constantes, permanentes, ces manifestations se produisent dans tous les milieux et sous toutes les formes, depuis les plus communes, les plus grossières, comme les tables tournantes, les transports d'objets sans contact, les maisons hantées, jusqu'aux plus délicates et aux plus sublimes, telles que l'extase ou les hautes inspirations, et cela, suivant l'élévation des Intelligences qui interviennent.

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Abordons maintenant l'étude des phénomènes qu'on rencontre en grand nombre dans la vie de Jeanne d'Arc. Il convient tout d'abord de le remarquer : c'est grâce à ses facultés psychiques extraordinaires, qu'elle put acquérir un ascendant rapide sur l'armée et le peuple. On la considérait comme un être doué de pouvoirs surnaturels. Cette armée n'était qu'un ramassis de soldats d'aventure, de routiers mus par l'amour du pillage. Tous les vices régnaient sur ces troupes sans discipline et toujours prêtes à se débander. C'est au milieu de ces soudards sans retenue, sans vergogne, que devait vivre une jeune fille de dix-huit ans. De tels rustres, qui ne respectaient pas même le nom de Dieu3, il lui fallait faire des croyants, des hommes disposés à tout sacrifier pour une noble et sainte cause.

Elle sut accomplir ce miracle. On l'accueillit d'abord comme une intrigante, comme une de ces femmes que les armées traînent à leur suite. Mais son langage inspiré, ses moeurs austères, sa sobriété et les prodiges qui s'accomplirent bientôt autour d'elle, en imposèrent vite à ces imaginations frustes. L'armée et le peuple étaient tentés aussi de la regarder comme une sorte de fée, de sorcière. On lui donnait les noms de ces formes fantastiques qui hantent les sources et les bois.

Sa tâche n'en devenait que plus difficile à remplir. Il lui fallait se faire à la fois respecter et aimer comme un chef ; il lui fallait obliger, par son ascendant, ces soudards mercenaires à voir en elle une image de cette France, de cette patrie qu'elle voulait constituer.

Par ses prédictions réalisées, par les événements accomplis, elle leur inspira une confiance absolue. Ils en arrivèrent presque à la diviniser ; sa présence était pour eux une garantie du succès, un symbole de l'intervention céleste. L'admirant, s'attachant à elle, ils lui devinrent plus fidèles que le roi et les grands. A sa vue, toutes les pensées, tous les sentiments malveillants se taisaient pour faire place à la vénération. Tous la considéraient comme un être surhumain, suivant le témoignage de son intendant, Jean d'Aulon, au procès4. Le comte Guy de Laval, après l'avoir vue à Selles-sur-Cher, en compagnie du roi, écrivait à sa mère, le 8 juin 1429 : " C'est chose toute divine de la voir et de l'ouïr5. "

Sans une assistance occulte, comment une simple fille des champs aurait-elle pu acquérir un tel prestige, remporter de tels succès ? Ce qu'elle avait appris de la guerre pendant sa jeunesse, les alarmes perpétuelles des paysans, les villages détruits, les plaintes des blessés et des mourants, le rougeoiement des incendies, tout cela était plutôt fait pour l'éloigner du métier des armes. Mais elle était l'élue d'en haut, pour relever la France de sa chute et inculquer la notion de patrie à toutes les âmes, et, pour cela, des facultés merveilleuses et de puissants secours lui furent donnés.

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Examinons de plus près la nature et la portée des facultés médianimiques de Jeanne.

Il y a d'abord ces voix mystérieuses qu'elle entendait dans le silence des bois comme dans le tumulte des combats, au fond de son cachot et jusque devant ses juges, ces voix qui étaient souvent accompagnées d'apparitions, comme elle le dit elle-même, au cours du procès, à douze interrogatoires différents. Puis, il y a les cas nombreux de prémonition, c'est-à-dire les prophéties réalisées, l'annonce des événements à venir.

D'abord, ces faits sont-ils authentiques ? Sur ce point aucun doute n'est possible. Les textes, les témoignages sont là, nombreux ; les lettres, les chroniques abondent6.

Il y a surtout le procès de Rouen, dont les pièces, rédigées par les ennemis de l'accusée, témoignent encore plus fortement en sa faveur que celles du procès de réhabilitation. Dans ce dernier, les mêmes faits sont attestés sous le sceau du serment par les témoins de sa vie, déposant devant les enquêteurs ou devant le tribunal7.

Au-dessus de tous ces témoignages, nous placerons l'opinion d'un homme, d'un contemporain, qui les résume tous, et dont l'autorité est grande. Je veux parler de Quicherat, directeur de l'Ecole des Chartes. Ce n'était pas un mystique, un illuminé ; c'était un homme grave et froid, un éminent critique d'histoire. Il s'est livré à une recherche approfondie, toute d'érudition, à un examen scrupuleux de la vie de Jeanne d'Arc. Et voici son appréciation8 :

" Que la science y trouve ou non son compte, il n'en faudra pas moins admettre ses visions. "

J'ajouterai : la science nouvelle y trouvera son compte. Car tous ces phénomènes, que l'on considérait autrefois comme miraculeux, s'expliquent aujourd'hui par les lois de la médiumnité.

Jeanne était ignorante : elle avait eu pour seuls livres, la nature et le firmament étoilé. A Pierre de Versailles qui l'interroge à Poitiers sur son degré d'instruction, elle répond : " Je ne sais ni A ni B. " Plusieurs l'affirment au procès de réhabilitation9. Cependant, elle a entrepris l'oeuvre la plus merveilleuse que femme ait jamais accomplie. Pour la mener à bien, elle déploiera des aptitudes et des qualités rares. Illettrée, elle confondra et convaincra les docteurs de Poitiers. Par son génie militaire et l'habileté de ses plans, elle acquerra une prompte influence sur les chefs de guerre et les soldats. A Rouen, elle tiendra tête à soixante érudits, casuistes habiles en subtilités juridiques et théologiques ; elle déjouera leurs pièges, répondra à toutes leurs objections. Plus d'une fois elle les embarrassera par la puissance de ses répliques, rapides comme des éclairs, pénétrantes comme des pointes d'épée.

Comment concilier une supériorité aussi écrasante avec son défaut d'instruction ? Ah ! c'est qu'il est une autre source d'enseignement que la science de l'école ! c'est par la communion constante avec le monde invisible, depuis l'âge de treize ans, où eut lieu sa première vision, que Jeanne acquit les lumières indispensables à l'accomplissement de sa tâche ardue. Les leçons de nos guides de l'espace sont plus efficaces que celles d'un professeur, plus abondantes surtout en révélations morales. Ces voies de la connaissance, les Universités et les Eglises ne les pratiquent guère ; leurs représentants lisent peu dans ce " livre de Dieu " dont parle Jeanne, dans ce grand livre de l'univers invisible, où elle avait puisé sagesse et lumière : " Il y a ès livres de Notre-Seigneur plus que ès vôtres. - Messire a un livre où nul clerc n'a jamais lu, si parfait soit-il en cléricature ! " affirme-t-elle à Poitiers10.

Par là, elle rappelle que les mondes occulte et divin possèdent des sources de vérité autrement riches et profondes, que celles où puisent les humains. Et ces sources s'ouvrent parfois aux simples, aux humbles, aux ignorants, à ceux que Dieu a marqués de son sceau ; ils y trouvent des éléments de connaissance, qui surpassent tout ce que l'étude peut nous procurer.

La science humaine ne va pas sans quelque orgueil. Ses enseignements sentent presque toujours la convention, l'apprêt, le pédantisme. Ils manquent souvent de clarté, de simplicité. Certains ouvrages de psychologie, par exemple, sont tellement obscurs, complexes, hérissés d'expressions baroques, qu'ils en frisent le ridicule. Il est plaisant de voir à quels efforts d'imagination, à quelle gymnastique intellectuelle, des hommes comme le professeur Th. Flournoy et le docteur Grasset se livrent, pour édifier des théories aussi burlesques que savantes. Les vérités provenant des hautes révélations apparaissent, au contraire, en traits de lumière et, en quelques mots, par la bouche des simples, tranchent les problèmes les plus ardus.

" Je te bénis, ô mon Père, dit le Christ, de ce que tu as révélé aux petits ce que tu as caché aux sages11. "

Bernardin de Saint-Pierre exprime la même pensée : " Pour trouver la vérité, il faut la chercher d'un coeur simple. "

C'était d'un coeur simple que Jeanne écoutait ses voix, qu'elle les interrogeait dans les cas importants, et, toujours confiante en leur sage direction, elle devient, sous l'impulsion des puissances supérieures, un instrument admirable, doué de précieuses facultés psychiques.

Non seulement elle voit et entend merveilleusement, mais son toucher, son odorat sont affectés par les apparitions qui se présentent : " J'ai touché à sainte Catherine m'apparaissant visiblement, dit-elle. - Avez-vous baisé ou accolé sainte Catherine ou sainte Marguerite ? lui demande-t-on. - Je les ai accolées toutes deux. - Fleuraient-elles bon ? - Il est bon à savoir qu'elles fleuraient bon12 ! "

Dans un autre interrogatoire, elle s'exprime ainsi : " Je vis saint Michel et les anges des yeux de mon corps aussi bien que je vous vois. Et quand ils s'éloignaient de moi, je pleurais et j'aurais bien voulu qu'ils m'eussent emportée avec eux13. "

C'est là l'impression ressentie par tous les médiums qui entrevoient les splendeurs de l'espace, et les êtres radieux qui y vivent. Ils éprouvent un ravissement qui leur rend plus tristes et plus pesantes les réalités d'ici-bas. Avoir participé un instant à la vie céleste et retomber lourdement au milieu des ténèbres de notre monde : quel contraste poignant ! Il l'était plus encore pour Jeanne, dont l'âme exquise, après s'être retrouvée pendant un moment dans le milieu qui lui était familier, d'où elle était venue, et en avoir reçu " grand réconfort ", se voyait de nouveau en face des rudes et pénibles devoirs qui lui incombaient.

Peu d'hommes comprennent ces choses. Les vulgarités de la terre leur cachent les beautés de ce monde invisible qui les entoure, dans lequel ils baignent comme des aveugles dans la lumière. Mais il est des âmes délicates, des êtres doués de sens subtils, pour qui ce voile épais des choses matérielles se déchire par instants ; à travers ces ouvertures, ils perçoivent un coin de ce monde divin, celui des vraies joies, des félicités véritables, où nous nous retrouverons tous à la mort, d'autant plus libres et plus heureux que nous aurons mieux vécu par la pensée et par le coeur, mieux aimé et plus souffert.

Ce n'était pas seulement sur ces faits extraordinaires, ces visions et ces voix, que se basait la confiance de Jeanne en ses amis de l'espace. La raison lui démontrait aussi combien la source de ses inspirations était pure et élevée, car ses voix la guidaient toujours vers l'action utile, dans le sens du dévouement et du sacrifice. Tandis que certains visionnaires se perdent en des rêveries stériles, chez Jeanne les phénomènes psychiques concourent tous à la réalisation d'une grande oeuvre. De là, sa foi inébranlable : " Je crois aussi fermement, répond-elle à ses juges, les dits et les faits de saint Michel qui m'est apparu, comme je crois que Notre Seigneur Jésus-Christ a souffert mort et passion pour nous. Et ce qui me meut à le croire, c'est le bon conseil, le confort et les enseignements qu'il m'a donnés14. "

Dans son jugement si sûr, c'est avant tout le côté moral de ces manifestations qui constitue à ses yeux une garantie, une preuve de leur authenticité. A leurs avis efficaces, à leur soutien constant, aux saines instructions qu'ils lui donnent, elle reconnaît en ses guides des envoyés d'en haut !

Au cours du procès comme dans son action militaire, ses voix la conseillent sur ce qu'elle doit dire et faire. Elle a recours à elles dans tous les cas difficiles : " Je demandai conseil à la voix sur ce que je devais répondre, lui disant de demander là-dessus conseil à Notre-Seigneur. Et la voix me dit : Réponds hardiment. Dieu t'aidera15. "

Ses juges l'interrogent à ce sujet : " Comment vous expliquez-vous que vos saintes vous répondent ? - Quand je fais requête à sainte Catherine, leur dit Jeanne, alors elle et sainte Marguerite font requête à Dieu, et puis, du commandement de Dieu, elles me donnent réponse16. "

Ainsi, pour tous ceux qui savent interroger l'invisible dans le recueillement et la prière, la pensée divine descend, de degré en degré, depuis les hauteurs de l'espace jusqu'aux profondeurs des consciences. Mais tous ne la discernent pas comme Jeanne.

Quand ses voix se taisent, elle refuse de répondre sur toute question importante : " Vous n'aurez pas encore cela de moi ; je n'ai pas le congé de Dieu. Je crois que je ne vous dis pas à plein ce que je sais. Mais j'ai plus grande crainte de faillir en disant quelque chose qui déplaise à mes voix, que je n'en ai de vous répondre à vous17. "

Discrétion admirable et que tant d'hommes feraient bien d'imiter, quand les voix de la sagesse et de la conscience n'ordonnent pas de parler.

Jusqu'à la fin de sa vie tragique, Jeanne montrera un grand amour pour ses guides invisibles, une entière confiance en leur protection. Même quand ils semblèrent l'abandonner, après lui avoir promis le salut, elle ne proféra aucune plainte, aucun blasphème. De son aveu cependant, ils lui avaient dit, dans sa prison : " Tu seras délivrée par grande victoire18 ", et au lieu de la délivrance, c'était la mort qui venait. Ses interrogateurs, qui ne négligeaient aucun moyen de la désespérer, insistaient sur cet abandon apparent, et Jeanne répondait sans se troubler : " Oncques ne maugréai ni saint ni sainte. "

L'histoire de la bonne Lorraine présentait des cas de clairvoyance, de prémonition en assez grand nombre pour lui avoir prêté, aux yeux de tous, un pouvoir mystérieux de divination. Parfois, elle semble lire dans l'avenir, par exemple lorsqu'elle dit au soldat de Chinon qui l'avait injuriée, au moment de son entrée au château : " Ah ! tu renies Dieu, et pourtant tu es si près de ta mort ! " Le soir même, en effet, ce soldat se noie par accident19. Il en est ainsi pour l'Anglais Glasdale, à l'attaque de la bastille du Pont, devant Orléans. Elle le somme de se rendre au roi des cieux, ajoutant : " J'ai grande pitié de ton âme ! " Au même instant, Glasdale tombe, tout armé, dans la Loire, où il se noie20. Plus tard, à Jargeau, elle prévoit le danger qui menace le duc d'Alençon, à la vie duquel elle a promis de veiller : " Gentil duc, s'écrie-t-elle, retirez-vous d'où vous êtes, sinon cette bouche à feu, qui est là-bas, va vous envoyer à la mort. " La prévision était juste, car le seigneur du Lude, ayant pris la place abandonnée, y fut tué peu après21.

D'autres fois, et le plus souvent, Jeanne l'atteste elle-même, elle est prévenue par ses voix. A Vaucouleurs, sans l'avoir jamais vu, elle va droit au sire de Baudricourt : " Je le reconnus, explique-t-elle, grâce à ma voix. C'est elle qui me dit : Le voilà22 ! " D'après ses révélations, Jeanne lui prédit la délivrance d'Orléans, le sacre du roi à Reims, et lui annonce la défaite des Français à la journée des Harengs, au moment où elle vient d'avoir lieu23.

A Chinon, introduite auprès du roi, Jeanne n'hésita pas à le trouver parmi les trois cents courtisans au milieu desquels il s'était dissimulé : " Quand j'entrai dans la chambre du roi, dit-elle, je le reconnus entre les autres par le conseil de ma voix qui me le révéla.24 " Dans un entretien intime, elle lui rappelle les termes de la prière muette qu'il avait adressée à Dieu, seul dans son oratoire.

Ses voix lui apprennent que l'épée de Charles Martel est enfouie dans l'église de Sainte-Catherine-de-Fierbois, et la lui font voir25.

C'est encore la voix qui la réveille à Orléans, lorsque, épuisée de fatigue, elle s'est jetée sur un lit et ignore l'attaque de la bastille de Saint-Loup : " Mon conseil m'a dit que j'aille contre les Anglais, s'écrie-t-elle soudain. Vous ne me disiez pas que le sang de France fût répandu26 ! "

Jeanne sait, pour en avoir été prévenue par ses guides, qu'elle sera blessée d'un trait à l'attaque des Tourelles, le 7 mai 1429. Une lettre du Sire de Rotselaer, chargé d'affaires du Brabant, conservée aux archives de Bruxelles et datée du 22 avril de la même année, écrite, par conséquent, quinze jours avant l'événement, relate cette prédiction et la manière dont elle devait s'accomplir. La veille du combat, Jeanne dit encore : " Il sortira demain du sang de mon corps27. "

Dans cette même journée, elle prédit, contre toute vraisemblance, que l'armée triomphante rentrerait dans Orléans par le pont, cependant rompu. C'est ce qui eut lieu.

La ville délivrée, Jeanne insiste près du roi, afin qu'on ne diffère pas le départ pour Reims, répétant : " Je ne durerai guère qu'un an, Sire, il faut donc me bien employer28 ! " Quelle prescience de sa si courte carrière !

Elle fut aussi avertie par ses voix de la reddition de Troyes à bref délai ; puis, plus tard, de sa captivité prochaine : " En la semaine de Pâques, comme j'étais sur le fossé de Melun, il me fut dit par mes voix que je serai prise avant la Saint-Jean, - dit l'accusée à ses juges de Rouen, - et je leur faisais requête que, quand je serai prise, je mourusse aussitôt sans long tourment de prison. Et elles me dirent : " Prends tout en gré. Il faut qu'il en soit ainsi fait. " Mais elles ne me dirent point l'heure29. " A ce propos, citons, en passant, cette belle réponse à ses interrogateurs : " Si j'eusse su l'heure, je n'y fusse point allée volontiers. Pourtant, j'aurais fait selon le commandement de mes voix, quoi qu'il eût dû m'en advenir30. "

On raconte aussi une scène touchante dans l'église de Compiègne ; elle dit, en pleurant, à ceux qui l'entouraient : " Bons amis et chers enfants, sachez qu'on m'a vendue et trahie. Bientôt je serai livrée à la mort. Priez pour moi31 ! "

En prison, ses guides lui prédisent, à sa grande joie, la délivrance de Compiègne32. Elle a aussi la révélation de sa fin tragique sous une forme qu'elle ne comprend pas, mais dont ses juges, eux, saisissent le sens : " Ce que mes voix me disent le plus, c'est que je serai délivrée... Elles ajoutent : Prends tout en gré, ne te chaille (soucie) de ton martyre. Tu en viendras enfin au royaume du paradis33. "

Souvent ses voix l'avertissent des conseils secrets que tiennent les capitaines, jaloux de sa gloire, et qui se cachent d'elle pour délibérer des faits de guerre. Mais tout à coup, Jeanne paraît, elle connaît à l'avance leurs résolutions et les déjoue : " Vous avez été à votre conseil, et j'ai été au mien, leur dit-elle. Le conseil de Dieu s'accomplira, le vôtre périra34. "

N'est-ce pas aussi aux inspirations de ses guides que Jeanne doit ces qualités éminentes qui font le grand général, cette connaissance de la stratégie, de la balistique, cette habileté à employer l'artillerie, chose toute nouvelle à cette époque ? D'où aurait-elle pu savoir que les Français aiment mieux se porter en avant que de combattre derrière des remparts ? Et comment expliquer d'autre façon qu'une simple bergère soit devenue du jour au lendemain, et à dix-huit ans, un chef d'armée incomparable, un tacticien consommé ?

On le voit, sa médiumnité revêtait des formes variées. Ces facultés, disséminées, fragmentées chez la plupart des sujets de nos jours, se trouvaient réunies chez elle, groupées dans une unité puissante. En outre, elles étaient accrues par sa grande valeur morale. L'héroïne était l'interprète, l'agent de ce monde invisible, subtil, éthéré, qui s'étend au-delà du nôtre et dont certains êtres humains, spécialement doués, perçoivent les vibrations, les harmonies, les voix.

Les phénomènes qui remplissent la vie de Jeanne s'enchaînent et concourent à un même but. La mission imposée par les hautes Entités dont nous chercherons plus loin à déterminer la nature et le caractère, cette mission est nette et précise. Elle est annoncée à l'avance et s'accomplit dans ses grandes lignes. Toute son histoire en porte témoignage. A ses juges de Rouen, elle disait : " Je suis venue de la part de Dieu. Je n'ai rien à faire ici. Renvoyez-moi à Dieu, de qui je suis venue35. "

Et lorsque, sur le bûcher, les flammes l'entourent et mordent sa chair, elle s'écrie encore : " Oui, mes voix étaient de Dieu ! Mes voix ne m'ont pas trompée36 ! "

Jeanne pouvait-elle mentir ? Sa sincérité, sa droiture, qui se manifestent en toutes circonstances, répondent pour elle. Une âme si loyale, qui a accepté tous les sacrifices plutôt que de renier la France et son roi, une telle âme ne pouvait s'abaisser jusqu'au mensonge. Il y a un tel accent de vérité, de conviction dans ses paroles, que nul, même parmi ses détracteurs les plus ardents, n'a osé l'accuser d'imposture. Anatole France, qui, certes, ne la ménage point, écrit : " Ce qui ressort surtout des textes, c'est qu'elle fut une sainte. Elle fut une sainte avec tous les attributs de la sainteté au quinzième siècle. Elle eut des visions, et ces visions ne furent ni feintes ni contrefaites. " Et plus loin : " On ne peut la soupçonner de mensonge37. "

Sa loyauté était absolue ; pour appuyer ses dires, elle ne se servait pas, comme tant de personnes, de termes excessifs, d'expressions démesurées. " Elle ne jurait jamais, dit un témoin du procès de réhabilitation, et, pour affirmer, elle se contentait d'ajouter : " Sans manque38. " Ces paroles se retrouvent aussi dans les interrogatoires du procès de Rouen. Elles revêtaient une signification particulière dans sa bouche, prononcées sur ce ton de franchise, avec cette physionomie ouverte qui lui étaient propres.

Autre point de vue : s'est-elle trompée ? Son bon sens, sa lucidité d'esprit, son jugement si sûr, les éclairs de génie qui, çà et là, illuminent sa vie, ne permettent pas de le croire. Jeanne n'était pas une hallucinée !

Certains critiques l'ont cru cependant. La plupart des physiologistes, par exemple Pierre Janet, Th. Ribot, le docteur Grasset, auxquels il convient d'ajouter des aliénistes comme les docteurs Lélut, Calmeil, etc., ne voient dans la médiumnité qu'une des formes de l'hystérie ou de la névrose. Pour eux, les voyants sont des malades, et Jeanne d'Arc, elle-même n'échappe pas à leurs jugements. Tout récemment, le professeur Morselli, dans son étude : Psychologie et Spiritisme, ne considère-t-il pas les médiums comme des esprits faibles ou déséquilibrés ?

Il est toujours facile de qualifier de chimères, d'hallucinations ou de folie, les faits qui nous déplaisent ou qu'on ne peut expliquer. En cela, bien des sceptiques se prennent pour des gens très avisés, alors qu'ils sont tout simplement dupes de leur parti pris.

Jeanne n'était ni hystérique, ni névrosée. Elle était forte et jouissait d'une santé parfaite. Ses moeurs étaient chastes, et quoique d'une beauté pleine d'attraits, sa vue imposait le respect, la vénération, même aux soudards qui partageaient sa vie39. Trois fois : à Chinon, au début de sa carrière, à Poitiers et à Rouen, elle subit l'examen de matrones, qui attestèrent son état de virginité.

Elle supportait sans faiblir les plus grandes fatigues. " Il lui arrive de passer jusqu'à six journées sous les armes ", écrit, le 21 juin 1429, Perceval de Boulainvilliers, conseiller chambellan de Charles VII. Et lorsqu'elle était à cheval, elle excitait l'admiration de ses compagnons d'armes, par le temps qu'elle y pouvait rester sans éprouver le besoin de descendre de sa monture40. Son endurance est attestée dans maintes dépositions. " Elle se comportait de telle sorte, dit le chevalier Thibault d'Armagnac, qu'il ne serait pas possible à homme quelconque d'avoir meilleure attitude dans le fait de guerre. Tous les capitaines s'émerveillaient des peines et labeurs qu'elle supportait41. "

Il en est de même pour sa sobriété : on a, sur ce point, de nombreux témoignages, depuis celui de personnes qui la virent peu de temps, comme dame Colette, jusqu'à ceux des hommes de son entourage habituel. Citons les paroles de son page, Louis de Contes : " Jeanne était très sobre. Bien des fois, en toute une journée, elle n'a mangé qu'un morceau de pain. J'admirais qu'elle mangeât si peu. Lorsqu'elle restait chez elle, elle mangeait seulement deux fois par jour42. "

La rapidité merveilleuse avec laquelle notre héroïne guérissait de ses blessures, montre chez elle une puissante vitalité : quelques instants, quelques jours lui suffisent, et elle retourne sur le champ de bataille. Après avoir sauté de la tour de Beaurevoir et s'être gravement blessée, elle revient à la santé sitôt qu'elle peut absorber quelque nourriture.

Tous ces faits dénotent-ils une nature faible ou névrosée ?

Et si, des qualités physiques, nous passons à celles de l'esprit, la même constatation s'impose. Les nombreux phénomènes dont Jeanne a été l'agent, loin de troubler sa raison, comme c'est le cas pour les hystériques, semblent, au contraire, l'avoir fortifiée, à en juger par les réponses lucides, nettes, décisives, inattendues qu'elle fait à ses interrogateurs de Rouen. Sa mémoire est restée sûre, son jugement sain ; elle a conservé la plénitude de ses facultés intellectuelles, la maîtrise de soi.

Le docteur G. Dumas, professeur à la Sorbonne, dans une notice publiée par Anatole France, à la fin de son deuxième volume, déclare n'avoir pas réussi, d'après les témoignages, à trouver chez Jeanne aucun des stigmates classiques de l'hystérie. Il insiste longuement sur l'extériorité des phénomènes, sur leur netteté objective, sur l' " indépendance et l'autorité relatives " de l'inspirée vis-à-vis des " saintes ". Il ne lui semble pas que ses visions puissent être ramenées à aucun type pathologique constaté expérimentalement.

" Nul indice, dit de son côté Andrew Lang43, ne permet de penser que Jeanne, pendant qu'elle était en communion avec ses saints, se soit trouvée " dissociée ", ni inconsciente de ce qui l'entourait. Au contraire, nous voyons que, dans la terrible scène de son abjuration, elle entend à la fois, avec une netteté égale, les voix de ses saints et ce sermon de son prédicateur dont elle ne se fait pas faute de critiquer les erreurs. "

Ajoutons que jamais elle n'a été obsédée, puisque ses Esprits ne viennent qu'à certains moments, et surtout quand elle les appelle, alors que l'obsession est caractérisée par la présence constante, inévitable, d'êtres invisibles.

Les voix de Jeanne ont toutes trait à sa grande mission ; jamais leurs propos ne sont puérils ; elles ont toujours leur raison d'être, elles ne se contredisent pas, et ne sont pas entachées des croyances erronées du temps, ce qui aurait lieu si Jeanne eût été prédisposée à subir des hallucinations. Loin d'ajouter foi aux fées, aux vertus de la mandragore et à cent autres idées fausses de l'époque, elle manifeste, dans ses interrogatoires, son ignorance à leur égard, ou montre le mépris dans lequel elle les tient44.

Chez Jeanne, pas de sentiment égoïste, aucun orgueil, comme chez les hallucinés qui, attribuant une grande importance à leur petite personne, ne voient autour d'eux qu'ennemis et persécuteurs. C'est à la France, à son roi que vont toutes ses pensées sous l'inspiration divine.

Le grand aliéniste Brierre de Boismont, qui s'est livré à une étude attentive de la question45, reconnaît en Jeanne une intelligence supérieure. Cependant il qualifie d'hallucinations les phénomènes dont elle est l'objet, mais en leur prêtant un caractère physiologique et non pathologique. Il entend dire par là, que ces hallucinations ne l'ont pas empêchée de conserver l'intégrité de sa raison ; elles seraient le fruit d'une exaltation mentale, qui n'a toutefois rien de morbide. Pour lui, la conception de l'idée directrice, " stimulant puissant ", s'est faite image dans le cerveau de Jeanne, en qui il admire une âme d'élite, un de ces " messagers envoyés du fond du mystérieux infini vers nous ".

Sans être du même avis que le célèbre praticien de la Salpêtrière, quant aux causes déterminantes des phénomènes, le docteur Dupouy, qui attribue ces derniers à l'influence d'Entités célestes, conclut dans le même sens. Seulement, pour lui, les hallucinations de Jeanne auraient eu le don d'objectiver les personnalités angéliques qui lui servaient de guides. Nous pourrions adopter cette manière de voir, puisque nous savons qu'elle considérait ses saintes, comme étant celles dont les images décoraient l'église de Domremy.

Mais, dirons-nous encore : peut-on attribuer un caractère hallucinatoire à des voix qui vous réveillent en plein sommeil, pour vous avertir d'événements présents ou à venir, comme ce fut le cas à Orléans et pendant le procès de Jeanne, à Rouen ? à des voix qui vous conseillent d'agir autrement que vous le voudriez ? Lors de sa captivité dans la tour de Beaurevoir, la prisonnière reçut bien des recommandations de ses guides, désireux de lui éviter une erreur, cependant ils ne purent l'empêcher de sauter du haut de la tour, et Jeanne eut à s'en repentir.

Dire avec Lavisse, A. France et d'autres, que la voix entendue par Jeanne était celle de sa conscience, nous paraît également en contradiction avec les faits. Tout prouve que ces voix étaient extérieures. Le phénomène n'est pas subjectif, puisqu'elle est réveillée, nous l'avons vu, aux appels de ses guides, et ne saisit parfois que la fin de leurs discours46. Elle ne les entend bien qu'aux heures de silence : " Le trouble des prisons et les noises de ses gardes47 " l'empêchent de comprendre leurs paroles. Il est donc de toute évidence que celles-ci viennent du dehors ; le bruit ne gêne guère la voix intérieure qui se perçoit dans le secret de l'âme, même aux moments de tumulte.

Concluons donc, à notre tour, en reconnaissant en Jeanne, une fois de plus, un grand médium.

N'en déplaise au docteur Morselli48 et à tant d'autres, la médiumnité ne se manifeste pas seulement chez les esprits faibles ou les âmes portées à la folie. Il y a des talents de grande envergure, par exemple chez Pétrarque, Pascal, Goethe, Swedenborg, Sardou, et combien d'autres, des penseurs profonds comme Socrate, des hommes pénétrés de l'esprit divin, saints ou prophètes, qui ont eu leurs heures de médiumnité, en qui s'est révélée, parfois à maintes reprises, cette faculté, latente en eux.

Ni la hauteur de l'intelligence, ni l'élévation de l'âme ne sont des empêchements à ces sortes de manifestations. S'il y a tant de productions médianimiques dont la forme ou le fond laissent à désirer, c'est que les hautes intelligences et les grands caractères sont rares. Ces qualités se trouvaient réunies en Jeanne d'Arc, et c'est pourquoi ses facultés psychiques avaient atteint un tel degré de puissance. On peut dire de la vierge d'Orléans qu'elle réalisait l'idéal de la médiumnité.

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Maintenant, une question se pose, question de la plus haute importance. Quelles étaient les personnalités invisibles qui inspiraient Jeanne et la dirigeaient ? Pourquoi des saints, des anges, des archanges ? Que devons-nous penser de cette intervention constante de saint Michel, sainte Catherine, sainte Marguerite ?

Pour résoudre ce problème, il faudrait analyser tout d'abord la psychologie des voyants et des sensitifs, et comprendre la nécessité où ils se trouvent de prêter aux manifestations de l'Au-delà les formes, les noms, les apparences que l'éducation reçue, les influences subies, les croyances du milieu et de l'époque où ils vivent, leur ont suggérés. Jeanne d'Arc n'échappait pas à cette loi. Elle se servait, pour traduire ses perceptions psychiques, des termes, des expressions, des images qui lui étaient familiers. C'est ce qu'ont fait les médiums de tous les temps. Suivant les milieux, on donnera aux habitants du monde occulte les noms de dieux, de génies, d'anges ou daïmons, d'esprits, etc.

Les Intelligences invisibles qui interviennent ostensiblement dans l'oeuvre humaine, se trouvent elles-mêmes dans l'obligation d'entrer dans la mentalité des sujets auxquels elles se manifestent, d'emprunter les formes et les noms d'êtres illustres connus de ceux-ci, afin de les impressionner, de leur inspirer confiance, de les mieux préparer au rôle qui leur est dévolu.

En général, on n'attache pas dans l'Au-delà autant d'importance que nous aux noms et aux personnalités. On y poursuit des oeuvres grandioses et, pour les réaliser, on utilise les moyens que nécessite l'état d'esprit, on pourrait dire l'état d'infériorité et d'ignorance, des milieux et des temps où ces Puissances veulent intervenir.

On m'objectera peut-être, que ces Puissances surhumaines auraient pu révéler à la vierge de Domremy leur véritable nature, en l'initiant à une connaissance plus haute, plus large du monde invisible et de ses lois. Mais, outre qu'il est très long et très difficile d'initier un être humain, même le mieux doué, aux lois de la vie supérieure et infinie, que nul n'embrasse encore dans leur ensemble, c'eût été aller à l'encontre du but assigné ; c'eût été rendre irréalisable l'oeuvre conçue, oeuvre toute d'action, en créant, chez l'héroïne, un état d'esprit et des divergences de vues, qui l'eussent mise en opposition avec l'ordre social et religieux, sous lequel elle était appelée à agir.

Si on examine avec attention les dires de Jeanne sur ses voix, on est frappé par un fait significatif : c'est que l'Esprit auquel on attribue le nom de saint Michel, ne s'est jamais nommé49.

Les deux autres Entités auraient été désignées par saint Michel lui-même, sous les noms de sainte Catherine et de sainte Marguerite50. Rappelons que les statues de ces saintes ornaient l'église de Domremy, où Jeanne allait prier journellement ; dans ses longues méditations et ses extases, elle avait souvent devant les yeux les images de pierre de ces vierges martyres.

Or l'existence de ces deux personnages est plus que douteuse. Ce que nous savons d'eux consiste en légendes très contestées. Vers l'an 1600, un censeur de l'Université, Edmond Richer, qui croyait aux anges, mais non à sainte Catherine ni à sainte Marguerite, émet l'idée que les apparitions perçues par la jeune fille, s'étaient données à elle pour les saintes qu'elle vénérait depuis son enfance. " L'Esprit de Dieu qui gouverne l'Eglise s'accommode à notre infirmité ", disait-il51.

Plus tard, un autre docteur en Sorbonne, Jean de Launoy, écrivait : " La vie de sainte Catherine, vierge et martyre, est toute fabuleuse, depuis le commencement jusqu'à la fin. Il ne faut y ajouter aucune foi52. " Bossuet, dans son Histoire de France pour l'instruction du Dauphin, ne mentionne pas les deux saintes.

De nos jours, M. Marius Sepet, élève de l'Ecole des Chartes et membre de l'Institut, dans sa préface de la Vie de sainte Catherine, par Jean Miélot53, fait d'expresses réserves au sujet des documents qui ont servi à établir cet ouvrage : " La vie de Madame sainte Catherine, dit-il, sous la forme qu'elle a prise dans le manuscrit 6449 du fonds français à la Bibliothèque nationale, ne saurait aucunement prétendre à une valeur canonique54. "

Remarquons encore que le cas plus récent du curé d'Ars, présente beaucoup d'analogie avec celui de Jeanne d'Arc. Comme elle, le célèbre thaumaturge était voyant et s'entretenait avec des Esprits, surtout avec sainte Philomène, sa protectrice habituelle. Il subissait aussi les tracasseries d'un Esprit inférieur nommé Grappin. Or, de même que Catherine et Marguerite, Philomène n'est qu'un nom symbolique ; il signifie " qui aime l'humanité "55.

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Si les noms attribués aux Puissances invisibles qui influencèrent la vie de Jeanne d'Arc, n'ont qu'une importance relative et sont, en eux-mêmes, très contestables, il en est tout autrement, nous l'avons vu, de la réalité objective de ces Puissances, et de l'action constante qu'elles ont exercée sur l'héroïne.

L'explication catholique nous paraissant insuffisante, nous sommes porté à voir en elles des Entités supérieures, qui résument, concentrent, mettent en action les forces divines, aux heures où le mal s'étend sur la terre, lorsque les hommes, par leurs agissements, entravent ou menacent le développement du plan éternel.

Ces Puissances, on les retrouve, sous les dénominations les plus diverses, à des époques bien différentes. Mais, quel que soit le nom qu'on leur donne, leur intervention dans l'histoire n'est pas douteuse. Au quinzième siècle, nous verrons en elles les génies protecteurs de la France, les grandes âmes qui veillent plus particulièrement sur notre nation.

On dira peut-être : c'est là du surnaturel. Non ! ce que l'on désigne par ce mot, ce sont les régions élevées, les hauteurs sublimes et, pour ainsi dire, le couronnement de la nature. Or, par l'inspiration des voyants et des prophètes, par les Puissances médiatrices, par les Esprits messagers, l'humanité a toujours été en rapport avec les plans supérieurs de l'univers.

Les études expérimentales, poursuivies depuis un demi-siècle56, ont jeté une certaine lueur sur la vie de l'Au-delà. Nous savons que le monde des Esprits est peuplé d'êtres innombrables, occupant tous les degrés de l'échelle d'évolution. La mort ne nous change pas, au point de vue moral. Nous nous retrouvons dans l'espace avec toutes les qualités acquises, mais aussi avec nos erreurs et nos défauts. Il en résulte que l'atmosphère terrestre fourmille d'âmes inférieures, avides de se manifester aux humains, ce qui rend parfois les communications dangereuses et exige, de la part des expérimentateurs, une préparation laborieuse et beaucoup de discernement.

Ces études démontrent aussi qu'il y a, au-dessus de nous, des légions d'âmes bienfaisantes et protectrices, les âmes des hommes qui ont souffert pour le bien, pour la vérité et la justice. Elles planent au-dessus de la pauvre humanité, pour la guider dans les voies de sa destinée. Plus haut que les horizons étroits de la terre, toute une hiérarchie d'êtres invisibles s'étage dans la lumière. C'est l'échelle de Jacob de la légende, l'échelle des Intelligences et des Consciences supérieures qui se gradue et s'élève jusqu'aux Esprits radieux, jusqu'aux puissantes Entités, dépositaires des forces divines.

Ces Entités invisibles, nous l'avons dit, interviennent quelquefois dans la vie des peuples, mais elles ne le font pas toujours d'une manière aussi éclatante qu'aux temps de Jeanne d'Arc. Le plus souvent, leur action reste obscure, effacée, d'abord pour sauvegarder la liberté humaine, et, surtout, parce que, si ces Puissances veulent être connues, elles veulent aussi que l'homme fasse effort et se rende apte à les connaître.

Ces grands faits de l'histoire sont comparables aux éclaircies qui se produisent tout à coup entre les nuées, lorsque le temps est couvert, pour nous montrer le ciel profond, lumineux, infini. Puis, ces trouées se referment aussitôt, parce que l'homme n'est pas encore mûr, pour saisir et comprendre les mystères de la vie supérieure.

Quant au choix des formes et des moyens que ces grands Etres emploient pour intervenir dans le champ terrestre, il faut reconnaître que notre savoir est bien faible pour les apprécier et les juger. Nos facultés sont impuissantes à mesurer les vastes plans de l'invisible. Mais nous savons que les faits sont là, incontestables, indéniables. De loin en loin, à travers l'obscurité qui nous enveloppe, au milieu du flux et du reflux des événements, aux heures décisives, lorsqu'une nation est en péril, quand l'humanité est sortie de sa voie, alors une émanation, une personnification de la Puissance suprême descend parmi nous, pour rappeler aux hommes qu'il existe au-dessus d'eux des ressources infinies, qu'ils peuvent attirer par leurs pensées, par leurs appels, des sociétés d'âmes qu'ils atteindront un jour, par leurs mérites et leurs efforts.

L'intervention dans l'oeuvre humaine de ces hautes Entités, que nous nommerons les anonymes de l'espace, constitue une loi profonde sur laquelle nous croyons devoir insister encore, en nous efforçant de la rendre plus compréhensible.

En général, avons-nous dit, les Esprits supérieurs qui se manifestent aux hommes ne se nomment pas, ou bien, s'ils se nomment, ils empruntent des noms symboliques, qui caractérisent leur nature ou le genre de mission qui leur est assigné.

Pourquoi donc, alors qu'ici-bas l'homme se montre si jaloux de ses moindres mérites, si empressé à attacher son nom aux oeuvres les plus éphémères, pourquoi les grands missionnaires de l'Au-delà, les glorieux messagers de l'invisible, s'obstinent-ils à garder l'anonymat ou à prendre des noms allégoriques ? C'est que, bien différentes sont les règles du monde terrestre et celles des mondes supérieurs, où se meuvent les Esprits de rédemption.

Ici-bas, la personnalité prime et absorbe tout. Le moi tyrannique s'impose : c'est le signe de notre infériorité, la formule inconsciente de notre égoïsme. Notre condition présente étant imparfaite et provisoire, il est logique que tous nos actes gravitent autour de notre personnalité, c'est-à-dire de ce moi qui maintient et assure l'identité de l'être dans son stade inférieur d'évolution, à travers les fluctuations de l'espace et les vicissitudes du temps.

Dans les hautes sphères spirituelles, il en est tout autrement. L'évolution se poursuit sous des formes plus éthérées, formes qui, à une certaine hauteur, se combinent, s'associent et réalisent ce qu'on pourrait appeler la compénétration des êtres.

Plus l'Esprit monte et progresse dans la hiérarchie infinie, plus les angles de sa personnalité s'effacent, plus son moi se dilate et s'épanouit dans la vie universelle, sous la loi d'harmonie et d'amour. Sans doute l'identité de l'être demeure, mais son action se confond de plus en plus avec l'activité générale, c'est-à-dire avec Dieu, qui, en réalité, est l'acte pur.

C'est en cela que consistent le progrès infini et la vie éternelle : se rapprocher sans cesse de l'Etre absolu sans l'atteindre jamais, et confondre toujours plus pleinement notre oeuvre propre avec l'oeuvre éternelle.

Parvenu à ces sommets, l'Esprit ne se nomme plus de tel ou tel nom ; ce n'est plus un individu, une personnalité, mais bien une des formes de l'activité infinie. Il s'appelle : Légion. Il appartient à une hiérarchie de forces et de lumières, telle une parcelle de flamme appartient à l'activité du foyer qui l'engendre et la nourrit. C'est une immense association d'Esprits harmonisés entre eux par des lois d'affinité lumineuse, de symphonie intellectuelle et morale, par l'amour qui les identifie. Fraternité sublime, dont celle de la terre n'est qu'un pâle et fugitif reflet !

Parfois, de ces groupes harmonieux, de ces pléiades éblouissantes, un rayon vivant se détache, une forme radieuse se sépare et vient, telle une projection de lumière céleste, explorer, illuminer les recoins de notre monde obscur. Aider à l'ascension des âmes, fortifier une créature à l'heure d'un grand sacrifice, soutenir la tête d'un Christ à l'agonie, sauver un peuple, racheter une nation qui va périr : telles sont les missions sublimes que ces messagers de l'Au-delà viennent remplir.

La loi de solidarité exige que les êtres supérieurs attirent à eux les esprits jeunes ou attardés. Ainsi, une immense chaîne magnétique se déroule à travers l'incommensurable univers, et relie les âmes et les mondes.

Et comme le sublime de la grandeur morale consiste à faire le bien pour le bien même, sans retour égoïste sur soi, les Esprits bienfaiteurs agissent sous le double voile du silence et de l'anonymat, afin que la gloire et le mérite de leurs actes en reviennent à Dieu seul et retournent à lui.

Ainsi s'expliquent les visions de Jeanne, ses voix, les apparitions de l'archange et des saintes, qui n'ont jamais existé comme personnalités individuelles, baptisées de ce nom, mais qui sont cependant des réalités vivantes, des êtres lumineux, détachés des foyers divins et qui ont fait de Jeanne la libératrice de son pays.

Michel, Micaël, la force de Dieu ; Marguerite, Margarita, la perle précieuse ; Catherine, Katarina, la vierge pure : tous noms symboliques qui caractérisent une beauté morale, une force supérieure et reflètent un rayon de Dieu.

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Jeanne d'Arc était donc un intermédiaire entre deux mondes, un médium puissant. Pour cela, elle fut martyrisée, brûlée. Tel est, en général, le sort des envoyés d'en haut : ils sont en butte aux persécutions des hommes ; ceux-ci ne veulent ou ne peuvent pas les comprendre. Les exemples qu'ils donnent, les vérités qu'ils répandent, sont une gêne pour les intérêts terrestres, une condamnation pour les passions ou les erreurs humaines.

Il en est de même de nos jours. Quoique moins barbare que le moyen âge, qui les envoyait en masse au bûcher, notre époque persécute encore les agents de l'Au-delà. Ils sont souvent méconnus, dédaignés, bafoués. Je parle des médiums sincères et non des simulateurs, qui sont nombreux et se glissent partout. Ces derniers prostituent une des choses les plus respectables qui soit en ce monde, et, par cela même, ils assument de lourdes responsabilités dans l'avenir. Car tout se paie, tôt ou tard ; tous nos actes, bons ou mauvais, retombent sur nous, avec leurs conséquences. C'est la loi de la destinée57 !

Les manifestations du monde invisible sont constantes, disions-nous ; elles ne sont pas égales. La supercherie, le charlatanisme se mêlent parfois à l'inspiration sacrée : à côté de Jeanne d'Arc, vous trouverez Catherine de La Rochelle et Guillaume le berger, qui étaient des imposteurs. Il y a aussi de réels médiums qui s'abusent eux-mêmes et agissent, à certaines heures, sous l'empire de l'auto-suggestion. La source n'est pas toujours très pure ; la vision est quelquefois confuse, mais il y a des phénomènes si éclatants que, devant eux, le doute ne peut subsister. Tels furent les faits médianimiques qui illustrent la vie de Jeanne d'Arc.

Il y a dans la médiumnité, comme en toutes choses, une diversité infinie, une gradation, une sorte de hiérarchie. Presque tous les grands prédestinés, les prophètes, les fondateurs de religion, les messagers de vérité, tous ceux qui ont proclamé les principes supérieurs dont la pensée humaine s'est nourrie, ont été des médiums, puisque leur vie a été en relations constantes avec les hautes sphères spirituelles.

J'ai démontré ailleurs58, en m'appuyant sur des témoignages nombreux et précis, que le génie, à divers points de vue et dans bien des cas, peut être considéré comme un des aspects de la médiumnité. Les hommes de génie, pour la plupart, sont des inspirés dans la plus haute acception de ce mot. Leurs oeuvres sont comme des foyers que Dieu allume dans la nuit des siècles, pour éclairer la marche de l'humanité.

Toute la philosophie de l'histoire se résume en deux mots : la communion du visible et de l'invisible. Elle s'exprime par la haute inspiration : les hommes de génie, les grands poètes, les savants, les artistes, les inventeurs célèbres, tous sont des exécuteurs du plan divin dans le monde, de ce plan majestueux d'évolution qui entraîne l'âme vers les sommets.

Tantôt les nobles Intelligences qui président à cette évolution, s'incarnent elles-mêmes, pour rendre leur action plus efficace et plus directe. Alors, vous avez Zoroastre, Bouddha, et, au-dessus de tous, le Christ. Tantôt, elles inspirent et soutiennent les missionnaires chargés de donner une impulsion plus vive aux essors de la pensée : Moïse, saint Paul, Mahomet, Luther furent de ceux-ci. Mais, dans tous les cas, la liberté humaine est respectée. De là, les entraves de toutes sortes que ces grands Esprits rencontrent sur leur chemin.

Le fait le plus saillant parmi les événements qui signalent la venue de ces messagers d'en haut, c'est l'idée religieuse sur laquelle ils s'appuient. Cette idée suffit à exalter leur courage et à rassembler autour d'eux, humbles presque tous et ne disposant d'aucune force matérielle, des foules innombrables, prêtes à répandre l'enseignement dont elles ont senti la grandeur.

Tous ont parlé de leurs communications avec l'invisible ; tous ont eu des visions, entendu des voix, et se sont reconnus simples instruments de la Providence pour l'accomplissement d'une mission. Seuls, livrés à eux-mêmes, ils n'auraient pas réussi ; l'influence d'en haut était nécessaire, indispensable au triomphe de leur idée, contre laquelle s'acharnaient tant d'ennemis.

La philosophie, elle aussi, a eu ses glorieux inspirés : Socrate, comme Jeanne d'Arc, percevait des voix, ou plutôt une voix, celle d'un Esprit familier qu'il appelait son démon59. Elle se faisait entendre en toute circonstance.

On peut lire dans le Théagès de Platon comment Timarque aurait évité la mort, s'il avait écouté la voix de cet Esprit : " Ne t'en va pas, - lui conseille Socrate, lorsqu'il se lève du banquet avec Philémon, son complice et le seul qui eût connaissance de ses intentions, pour aller tuer Nicias, - ne t'en va pas ; la voix me dit de te retenir. " Bien qu'averti à deux reprises encore, Timarque partit, mais il échoua dans son entreprise et fut condamné à mort. A l'heure du supplice, il reconnut trop tard qu'il aurait dû obéir à la voix : " O Clitomaque ! dit-il à son frère, je vais mourir pour ne pas avoir voulu m'en tenir à ce que me conseillait Socrate. "

Un jour, la voix avertit le sage de ne pas aller plus loin sur une route qu'il parcourait avec ses amis. Ceux-ci se refusent à l'écouter ; ils continuent leur marche et rencontrent un troupeau qui les renverse et les piétine.

Après avoir reconnu bien souvent la justesse des conseils qui lui étaient dictés par cette voix, Socrate avait toute raison de croire en elle ; il rappelait à ses amis que, " leur ayant communiqué les prédictions qu'il en recevait, on n'avait jamais constaté qu'il y en eût d'inexactes ".

Rappelons encore la déclaration solennelle de ce philosophe devant le tribunal des Ephètes, lorsque s'agite pour lui la question de vie ou de mort :

" Cette voix poétique du démon, qui n'a jamais cessé de se faire entendre pendant tout le cours de mon existence, qui n'a jamais cessé, même dans les circonstances les plus banales, de me détourner de tout ce qui aurait pu me causer du mal, voilà que ce dieu se tait, maintenant qu'il m'arrive des choses qui pourraient être regardées comme le pire des maux. Pourquoi cela ? C'est que, vraisemblablement, ce qui se passe est un bien pour moi. Nous nous trompons sans doute, en supposant que la mort est un malheur ! "

En France aussi, nos philosophes ont été visités par l'Esprit : Pascal avait des heures d'extase ; la Recherche de la Vérité, de Malebranche, fut écrite en pleine obscurité ; et Descartes nous raconte comment une intuition soudaine, rapide comme l'éclair, lui inspira l'idée de son Doute méthodique, système philosophique auquel nous devons l'affranchissement de la pensée moderne. Dans ses Annales médico-psychologiques60, Brierre de Boismont nous dit : " Descartes, après une longue retraite, fut suivi par une personne invisible qui l'engageait à poursuivre les recherches de la vérité. "

Schopenhauer, en Allemagne, reconnaît également avoir subi l'influence de l'Au-delà : " Mes postulats philosophiques, dit-il, se sont produits chez moi sans mon intervention, dans les moments où ma volonté était comme endormie... Aussi ma personne était comme étrangère à l'oeuvre. "

Presque tous les poètes de renom ont joui d'une assistance invisible. Dans le nombre, citons seulement61 : le Dante et le Tasse, Schiller et Goethe, Pope62, Shakespeare, Shelley, le Camoëns, Victor Hugo, Lamartine, Alfred de Musset63, etc.

Parmi les peintres et les musiciens, Raphaël, Mozart, Beethoven et d'autres trouveraient ici leur place, car, sans cesse, l'inspiration se déverse en flots puissants sur l'humanité.

On dit souvent : " Ces idées sont dans l'air. " Elles y sont, en effet, parce que les âmes de l'espace les suggèrent aux hommes. C'est là qu'il faut chercher la source des grands mouvements d'opinion dans tous les domaines. Là aussi est la cause des révolutions qui bouleversent un pays pour le régénérer.

Il faut donc le reconnaître : le phénomène de la médiumnité remplit les âges. Toute l'histoire s'éclaire de sa lumière. Tantôt, il se concentre sur une personnalité éminente et brille d'un vif éclat, c'est le cas de Jeanne d'Arc. Tantôt, il est disséminé, réparti sur un grand nombre d'interprètes, comme à notre époque.

La médiumnité a été souvent l'inspiratrice du génie, l'éducatrice de l'humanité, le moyen que Dieu emploie pour élever et transformer les sociétés. Au quinzième siècle, elle a servi à tirer la France de l'abîme de maux où elle était plongée.

Aujourd'hui, c'est comme un souffle nouveau qui passe sur le monde, et vient rendre la vie à tant d'âmes endormies dans la matière, à tant de vérités qui gisent dans l'ombre et dans l'oubli ! Les phénomènes de vision, d'audition, les apparitions de défunts, les manifestations des invisibles par l'incorporation, l'écriture, la typtologie, etc., se font innombrables ; ils se multiplient chaque jour autour de nous.

Les enquêtes de plusieurs sociétés d'études, les expériences et les témoignages de savants éminents et de publicistes de premier ordre, dont nous avons cité les noms, ne laissent aucun doute sur la réalité de ces faits. Ils ont été observés dans des conditions qui défient toute supercherie. Nous en citerons seulement quelques-uns, parmi ceux qui présentent des analogies avec les faits empruntés à la vie de Jeanne d'Arc.

Il y a d'abord les voix :

Dans Human Personality, F. Myers nous entretient de celle entendue par Lady Caidly, dans une circonstance où sa vie était en danger.

François Coppée parle également d'une voix mystérieuse qui l'appelait par son nom à certains moments assez graves de sa vie, lorsque, une fois couché, il était tenu éveillé par ses préoccupations : " Assurément je ne dors pas dans ce moment-là, affirme-t-il ; et la preuve, c'est que, malgré la grosse émotion et le battement de coeur que j'éprouve alors, j'ai toujours immédiatement répondu : " Qui est là ? Qui me parle ? " Mais jamais la voix n'a rien ajouté à son simple appel64. "

Dans la Revue scientifique et morale du Spiritisme, juillet 1909, le docteur Breton, médecin de la marine et président de la Société des Etudes psychiques de Nice, rapporte le fait suivant : " Mlle Lolla avait épousé M. de R., officier russe. Son beau-père meurt. Quelque temps après, la jeune femme accompagne sa belle-mère pour aller au cimetière, dans une chapelle de famille, prier sur la tombe du défunt. Agenouillée et priant, elle entend distinctement une voix qui lui dit : " Toi aussi, tu seras veuve, mais tu n'auras pas la consolation de venir prier sur la tombe de mon fils. " Mme de R. en entendant cette voix, s'évanouit ; sa belle-mère vient à son secours, et bientôt, revenant à elle, elle raconte la cause de son émotion. "

" La guerre russo-japonaise éclate. Le colonel de R. succombe en Mandchourie. Son corps, mis en bière, est transporté, avec d'autres, à Moukden, afin d'être expédié en Russie. Mais le détachement qui les transportait dut les abandonner pendant la retraite générale de l'armée russe. Malgré de nombreuses recherches, on ne put jamais savoir ce que ces corps étaient devenus.

" La prophétie de l'Esprit, père du colonel de R., s'était accomplie : la jeune veuve ne pourra jamais prier sur la tombe de son mari. "

Parlons maintenant des apparitions. Les exemples n'en sont pas rares de nos jours et, dans certains cas, on a pu en établir l'authenticité au moyen de la photographie.

La Revue du 15 janvier 1909 contient un récit de M. W. Stead relatif à un fait de ce genre. Le grand publiciste anglais est connu autant par sa loyauté que par son courage et son désintéressement. A l'occasion, si la vérité l'exige, il sait tenir tête à toute l'Angleterre. On sait comment, au mépris de ses intérêts personnels, oubliant les nombreux millions dont il devait hériter de Cecil Rhodes, il osa citer publiquement ce dernier comme un des artisans responsables de la guerre sud-africaine. Il alla jusqu'à demander qu'on lui appliquât la peine des travaux forcés (hard labour).

Au cours de cette même guerre, W. Stead se rendit chez un photographe fort ignorant, mais doué de la seconde vue, pour voir ce qu'il en obtiendrait, car l'étude du monde occulte a pour lui beaucoup d'attraits. Avec Stead, le photographe vit entrer une apparition qui s'était déjà présentée, quelques jours auparavant, dans son atelier. Il fut convenu qu'on essayerait de la photographier en même temps que l'écrivain. Pendant l'opération, à une question qui lui fut posée, le personnage, invisible aux yeux humains, dit s'appeler Piet Botha. Parmi tous les Botha connus de W. Stead, il n'y en avait aucun portant ce prénom. Sur la photographie se dressait en effet, à ses côtés, la figure très nette, tout à fait caractéristique, d'un Boer.

Lorsque, la paix conclue, le général Botha vint à Londres, W. Stead lui envoya l'image obtenue. Dès le lendemain, il vit arriver chez lui un des délégués du Sud-Africain, M. Wessels. Celui-ci, fort intrigué, lui dit : " Cet homme-là ne vous a jamais connu ! Il n'a jamais mis le pied en Angleterre ! C'est un de mes parents, j'ai son portrait chez moi. " - " Est-il mort ? " demanda Stead. - " Il fut le premier commandant boer tué au siège de Kimberley, lui répondit son interlocuteur, Petrus Botha, mais nous l'appelions Piet pour abréger. "

A la vue de la photographie, les autres délégués des Etats libres reconnurent aussi le guerrier boer.

Parfois, et c'est une des plus fortes raisons qui militent en faveur de leur authenticité, les apparitions se montrent à de tout jeunes enfants, incapables d'aucun calcul, d'aucune fraude.

Les Annales des Sciences psychiques du 1°-16 février 1909 citent plusieurs faits analogues. Dans l'un, c'est une fillette de deux ans et demi qui revoit, à diverses reprises et en différents endroits, sa petite soeur, morte quelque temps auparavant, et lui tend la main. Dans l'autre cas, une enfant de trois ans aperçoit, au moment du décès de son petit frère, une de ses tantes défuntes et court vers elle, la suivant dans ses déplacements.

On lit encore dans Brierre de Boismont (Annales médico-psychologiques, 1851, pp. 245-246) :

" Un jeune homme de dix-huit ans, n'ayant aucune tendance enthousiaste, romanesque et superstitieuse, habitait Ramsgate pour sa santé. Dans une promenade à l'un des villages voisins, il entra dans une église, à la chute du jour, et fut frappé de terreur en apercevant le spectre de sa mère, morte quelques mois auparavant d'une maladie de langueur fort douloureuse. La figure se tenait entre lui et la muraille, et elle resta, pendant un temps considérable, immobile. Il regagna son logis ; la même apparition ayant eu lieu dans sa chambre plusieurs soirées consécutives, il se sentit malade et se hâta de se rendre à Paris, où son père demeurait. En même temps il prit la résolution de ne pas lui parler de la vision, de peur d'ajouter à la douleur dont l'avait accablé la perte d'une femme adorée.

" Obligé de coucher dans la chambre de son père, il fut surpris d'y trouver une lumière qui brûlait toute la nuit, ce qui était opposé à leurs habitudes et tout à fait antipathique à leurs goûts. Après plusieurs heures d'insomnie causée par l'éclat de la lumière, le fils sortit de son lit pour l'éteindre. Le père s'éveilla aussitôt dans une grande agitation et lui ordonna de la rallumer, ce qu'il fit, très étonné de la colère de son père et des signes de terreur empreinte sur ses traits. Lui ayant demandé le motif de son effroi, il n'en reçut qu'une réponse vague.

" Une semaine au plus s'était écoulée depuis, lorsque le jeune homme, ne pouvant dormir par le malaise que lui occasionnait la lumière, se hasarda une seconde fois à l'éteindre ; mais le père s'élança presque aussitôt de son lit, agité d'un grand tremblement, le gronda de sa désobéissance, et ralluma la lampe. Il lui avoua alors que, toutes les fois qu'il était dans l'obscurité, le fantôme de sa femme lui apparaissait, restait immobile et ne s'évanouissait que lorsque la lumière avait été de nouveau allumée.

" Ce récit fit une forte impression sur l'esprit du jeune homme et, craignant d'augmenter le chagrin de son père en lui racontant l'aventure de Ramsgate, il quitta peu de temps après Paris et se rendit dans une ville de l'intérieur, à soixante milles de distance, pour voir son frère qui y était en pension, et auquel il n'avait pas fait part de ce qui lui était arrivé à lui-même, dans la crainte du ridicule.

" Il était à peine entré dans la maison et avait échangé les politesses d'usage, lorsque le fils du maître de pension lui dit : " Votre frère a-t-il jamais donné des preuves de folie ? Il est descendu la nuit dernière en chemise, hors de lui, déclarant qu'il avait vu l'esprit de sa mère, qu'il n'osait plus retourner dans sa chambre, et il s'est évanoui de frayeur. "

Nous pourrions ajouter beaucoup de faits du même ordre65. Les habitants de l'espace ne négligent aucun moyen de se manifester et de nous démontrer les réalités de la survivance.

A ce sujet Sir Conan Doyle, le grand écrivain anglais, nous communique une photographie prise le 11 novembre 1923, à Londres, au cénotaphe du soldat inconnu, pendant la minute de silence et de recueillement. On y voit une foule de têtes de jeunes gens parmi lesquelles l'éminent écrivain affirme reconnaître celle de son fils tué sur le front.

Les grands Esprits ont une prédilection marquée pour le phénomène de l'incorporation, car il leur permet de se révéler avec une conscience plus entière et des ressources intellectuelles plus étendues. Le médium, plongé dans le sommeil par une action magnétique invisible, abandonne pour quelques instants son organisme à des Entités qui s'en emparent, et entrent en rapport avec nous par la voix, le geste, l'attitude. Leur langage est parfois si suggestif, si imposant, qu'on ne saurait garder aucun doute sur leur caractère, leur nature, leur identité. S'il est facile d'imiter les phénomènes physiques, tels que les tables parlantes, l'écriture automatique, les apparitions de fantômes, il n'en est pas de même des faits d'ordre intellectuel élevé. On n'imite pas le talent, encore moins le génie. Nous avons été souvent témoin de scènes de ce genre, et elles ont laissé en nous, chaque fois, une impression profonde. Vivre, ne fût-ce qu'un moment, dans l'intimité des grands Etres, est une des rares félicités dont on puisse jouir sur la terre. C'est par cette médiumnité de l'incorporation que nous avons pu communiquer avec les Esprits guides, avec Jeanne elle-même, et recevoir d'eux les enseignements, les révélations que nous avons consignés en nos ouvrages.

Toutefois, si cette faculté est une source de jouissances pour les expérimentateurs, elle offre peu de satisfaction au médium lui-même, car il ne conserve, au réveil, aucun souvenir de ce qui s'est passé durant son absence du corps.

La médiumnité existe à l'état latent chez une foule de personnes. Partout, autour de nous, parmi les jeunes filles, les jeunes femmes, les jeunes hommes, germent des facultés subtiles, s'élaborent des fluides puissants, qui peuvent servir de liens entre le cerveau humain et les intelligences de l'espace. Ce qui nous manque encore, ce sont les écoles et les méthodes nécessaires pour développer ces éléments avec science et persévérance, et les mettre en valeur. L'absence de préparation méthodique et d'étude patiente, ne permet pas de tirer de ces germes tous les fruits de vérité et de sagesse qu'ils pourraient donner. Trop souvent, faute de savoir et de travail régulier, ils se dessèchent ou ne donnent que des fleurs empoisonnées.

Mais, peu à peu, voici qu'une science et une croyance nouvelles naissent et se propagent, apportant à tous la connaissance des lois qui régissent l'univers invisible. On apprendra bientôt à cultiver ces facultés précieuses, à faire d'elles les instruments des grandes Ames, dépositaires des secrets de l'Au-delà. Les expérimentateurs renonceront aux vues étroites, aux procédés routiniers d'une science vieillie ; ils s'attacheront à mettre en oeuvre les pouvoirs de l'esprit par la pensée élevée, moteur suprême, trait d'union qui relie les mondes divins aux sphères inférieures, et un rayon d'en haut viendra féconder leurs recherches. Ils sauront que l'étude des grands problèmes philosophiques, la pratique du devoir, la dignité et la droiture de la vie sont les conditions essentielles du succès. Si la science et la méthode sont indispensables en matière d'expérimentation psychique, les élans généreux de l'âme par la prière n'ont pas moins d'importance, car ils constituent l'aimant, le courant fluidique qui attire les puissances bienfaisantes et éloigne les influences funestes. Toute la vie de Jeanne le démontre surabondamment.

Le jour où toutes ces conditions seront réunies, le nouveau spiritualisme entrera pleinement dans la voie de ses destinées. A l'heure où tant de croyances vacillent sous le souffle des passions, et où l'âme humaine s'enlise dans la matière, au milieu de l'affaissement général des caractères et des consciences, il deviendra un moyen de salut, une force, une foi vivante et agissante, qui reliera le ciel à la terre, et embrassera les âmes et les mondes dans une communion éternelle et infinie.


1 L'existence de ce double ou fantôme des vivants est établie par d'innombrables faits et témoignages. Il peut se dégager de son enveloppe charnelle pendant le sommeil, soit naturel, soit provoqué, et se manifester à distance. Les cas télépathiques, les phénomènes de dédoublement, d'extériorisation, d'apparitions de vivants sur des points éloignés du lieu où ils reposent, relatés tant de fois par F. Myers, C. Flammarion, le professeur Ch. Richet, les docteurs Dariex et Maxwell, etc., en sont la démonstration expérimentale la plus évidente. Les procès-verbaux de la Société des Recherches psychiques de Londres, composée des plus éminents savants de l'Angleterre, sont riches en faits de ce genre. Voir, pour plus de détails : LEON DENIS, Après la Mort. Le Périsprit ou corps fluidique, chap. XXI ; Dans l'Invisible (L'Esprit et sa forme, chap. III. - Extériorisation de l'être humain. Les fantômes des vivants, chap. XII.


2 On connaît les expériences de l'illustre physicien sir W. Crookes, qui, pendant trois ans, obtint chez lui des matérialisations de l'Esprit Katie King dans des conditions de contrôle rigoureux. Crookes, parlant de ces manifestations, affirmait : " Je ne dis pas que cela est possible ; je dis : cela est. "

On a prétendu que W. Crookes s'était rétracté. Or, il écrivait encore à la Revue scientifique et morale du spiritisme à Paris (n° de mai 1919) : " Répondant à votre demande, je ne vois aucune objection à établir ma position au sujet de ce que l'on appelle les phénomènes psychiques et à affirmer de nouveau, comme il y a quarante ans, lorsque j'ai entrepris mon enquête, que je reste fidèle à ce que j'ai écrit et n'ai rien à rétracter. "

Oliver Lodge, recteur de l'Université de Birmingham, membre de l'Académie royale, écrivait : " J'ai été amené personnellement à la certitude de l'existence future, par des preuves reposant sur une base purement scientifique. "

Frédéric Myers, le professeur de Cambridge, que le Congrès officiel international de psychologie de Paris, en 1900, avait élu président d'honneur, dans son beau livre la Personnalité humaine en arrive à cette conclusion, que des voix et des messages nous reviennent d'au-delà de la tombe. Parlant du médium Mrs. Thompson, il écrit : " Je crois que la plupart de ces messages viennent d'Esprits qui se servent temporairement de l'organisme des médiums pour nous les donner. "

Le célèbre professeur Lombroso, de Turin, déclarait dans la Lettura : " Les cas de maisons hantées, dans lesquelles, pendant des années, se reproduisent des apparitions ou des bruits concordant avec le récit de morts tragiques, et observées en dehors de la présence de médiums, plaident en faveur de l'action des trépassés. " - " Il s'agit souvent de maisons inhabitées, où ces phénomènes se produisent parfois pendant plusieurs générations et même pendant des siècles. " (Voir aussi les Maisons hantées, C. Flammarion, 1 vol., 1924).


3 Si Dieu était homme d'armes, disait La Hire, il se ferait pillard.


4 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I, pp. 158, 248.


5 E. LAVISSE, Histoire de France, t. IV, p. 55.


6 PERCEVAL DE CAGNY, Chroniques, publiées par H. Moranvillé, Paris, 1902. - JEAN CHARTIER, Chronique de Charles VII. - Journal du siège d'Orléans (1428-1429), publié par P. Charpentier. - Chronique de la Pucelle. - Mystère du siège d'Orléans, etc.


7 Ce procès de réhabilitation comprend, d'après A. France, 140 témoignages, fournis par 123 témoins.


8 J. QUICHERAT, Aperçus nouveaux sur le Procès de Jeanne d'Arc, pp. 60-61.


9 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I, p. 161 ; - t. II, p. 145.


10 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I. Déposition de Pasquerel, p. 228.


11 Luc, X, 21.


12 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 187.


13 J. FABRE, Procès de condamnation, 4° interrogatoire public, p. 81.


14 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 176.


15 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 68.


16 J. FABRE, Procès de condamnation, 5° interrogatoire secret, p. 157.


17 J. FABRE, Procès de condamnation, 3° inter. public, p. 69.


18 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 159.


19 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I, p. 218.


20 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I, p. 227.


21 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I, p. 179.


22 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 58.


23 Journal du siège, p. 48. - Chronique de la Pucelle, p. 275.


24 J. FABRE, Procès de condamnation, pp. 61-62.


25 Ibid., 4° interrogatoire public, pp. 85-86.


26 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I. Déposition du page de Jeanne, p. 210.


27 J. FABRE, Procès de réhabilitation, p. 226.


28 Ibid., t. I. Déposition du duc d'Alençon, p. 182.


29 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 129.


30 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 130.


31 Voir HENRI MARTIN, Histoire de France, t. VI, p. 228.


32 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 156.


33 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 159.


34 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I, p. 226.


35 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 66.


36 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. II, p. 91.


37 ANATOLE FRANCE, Vie de Jeanne d'Arc, t. I, pp. 32-39.


38 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I, p. 78.


39 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I. Déposition de Jean de Metz, p. 128. - Déposition de Bertrand de Poulengy, p. 133. - Déposition de l'écuyer Gobert Thibault, p. 164. Déposition du duc d'Alençon, p. 183. - Déposition de Dunois, p. 201, etc.


40 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I, p. 149.


41 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I, p. 282.


42 J. FABRE, Procès de réhabilitation, t. I, pp. 201, 211, 273, 279, etc.


43 A. LANG, la Jeanne d'Arc d'Anatole France, pp. 126-127.


44 J. FABRE, Procès de condamnation, 3° et 5° interrogatoires publics ; 9° interrogatoire secret ; acte d'accusation.


45 BRIERRE DE BOISMONT, De l'hallucination historique.


46 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 68.


47 J. FABRE, Procès de condamnation, p. 157.


48 Psychologie et Spiritisme, par H. MORSELLI.


49 HENRI MARTIN dit le contraire (Histoire de France, t. VI, p. 142) ; mais aux sources qu'il indique, Procès de condamnation, 2° interrogatoire public, saint Michel n'est pas nommé. Jeanne s'exprime ainsi : " la voix d'un ange " (Voir aussi 7° interrogatoire secret).


50 J. FABRE, Procès de condamnation, pp. 173-174.


51 EDMOND RICHER, Histoire de la Pucelle d'Orléans, manuscrit Bibl. nat.


52 Voir A. FRANCE, Vie de Jeanne d'Arc, t. I, p. LIX.


53 Edition Hurtel, 1881, p. 35. Voir aussi F. X. FELLER, Dictionnaire historique.


54 Des critiques éminents, dont plusieurs sont des catholiques et même des prélats, ont établi, en des travaux plus récents, que les hagiographes ont commis de nombreuses erreurs. Mgr Duchesne, directeur de l'Ecole de Rome et membre de l'Académie française, qui jouissait d'une grande autorité dans le monde religieux, a prouvé que plusieurs saints et saintes, parmi lesquels saint Maurice, de la légion thébaine, patron de la cathédrale d'Angers, n'ont jamais existé. Il a démontré que les Saintes-Maries ne sont jamais venues en France, et que les légendes dont elles sont l'objet en Provence, sont purement oeuvre d'imagination. Fait plus grave : huit noms de papes ont été effacés, comme inexacts. Sur un ordre venu de Rome, la liste a été remaniée ; Pie X n'est plus que le 256°, au lieu du 264°. Par exemple, saint Clet et saint Anaclet ne font qu'un. Et si l'on a pu se tromper à ce point au sujet de personnages ayant occupé le trône pontifical, comment être certain de l'existence de personnalités plus hypothétiques encore ? Voir les ouvrages de Mgr Duchesne intitulés : Catalogues épiscopaux des diocèses ; Origines chrétiennes (leçons faites à la Sorbonne).


55 Voir P. SAINTYVES : les Saints, successeurs des dieux, pp. 109 à 112, et 365 à 370.


56 Voir Après la Mort et Dans l'Invisible, passim.


57 Voir le Problème de l'Etre et de la Destinée, chap. 18 et 19.


58 Voir Dans l'Invisible, chap. 26, La Médiumnité glorieuse.


59 En grec daïmon signifie génie familier, esprit.


60 1851, p. 543.


61 V. Dans l'Invisible, chap. 26, La Médiumnité glorieuse.


62 Pope écrivait, dit-il lui-même, sous l'inspiration des Esprits. Ses oeuvres renferment des prédictions, concernant l'avenir de l'Angleterre, qui se sont déjà réalisées.


63 Parlant de sa façon d'écrire, Musset disait :

" On ne travaille pas, on écoute, on attend.
C'est comme un inconnu qui vous parle à l'oreille. "


64 Voir le journal le Matin, 7 octobre 1901.


65 Voir surtout Dans l'Invisible, chap. 20 (Apparitions et matérialisation d'Esprits).